De l’extermination à la limitation

Les résultats des recherches scientifiques ne sont pas dissociables des usages des substances phytosanitaires puisque les premiers conduisent presque inéluctablement aux seconds. En revanche, la perception de la finalité de la protection des végétaux se modifie avec le temps.

Au cours de la première moitié du vingtième siècle, l’espoir d’éradication des ennemis des cultures apparaît comme l’objectif final à atteindre dans de nombreuses tentatives de lutte. Cette vision perdure tout au long du siècle pour les ennemis importés, qui semblent plus faciles à localiser et donc à détruire, souvent sans succès durable.

Alors même que les moyens chimiques demeurent limités et ne constituent pas un comportement général avant la Seconde guerre mondiale, sauf par exemple pour quelques maladies cryptogamiques de la vigne, la destruction, espérée comme définitive, de quelques déprédateurs est envisagée par les moyens biologiques. Nous avons reproduit des citations de Danisz ou des réflexions de Le Moult à propos, pour le premier des rongeurs agrestes, et pour le second des hannetons communs. La mise sur le marché des substances de synthèse dès la Libération, quelquefois élaborées par hasard plusieurs décennies auparavant (H.C.H. en 1825, D.D.T. en 1874), engendre un nouvel espoir d’une élimination radicale des principaux ennemis des cultures. Parfois, le titre même des articles de la presse spécialisée laisse apparaître cette manière de considérer les problèmes phytosanitaires. C’est ainsi, par exemple, que, tout en reconnaissant les limites de la science appliquée, La défense des végétaux publie à l’automne 1949 un article intitulé « Alerte ! Il faut exterminer les ennemis des cultures en intensifiant la lutte »1965. Cette espérance, parfois exacerbée, et toujours rapidement désuète quel que soit le procédé considéré, traduit la croyance en une suprématie des sciences, en particulier, après la Seconde guerre mondiale, pour les défenseurs des méthodes chimiques.

Accepter de ne pas opérer une destruction totale, ou presque, est une conception qui se traduit par la préconisation de substances de moins en moins rémanentes. Du début du vingtième siècle à la mise en place des premiers programmes de lutte intégrée, la recherche des produits à longue persistance d’action constitue une orientation permanente et explique les délais extrêmement longs, par exemple pour les arsenicaux entre la dernière application et la mise sur le marché des productions consommables concernées. A partir des années 1970, les industriels se tournent vers la commercialisation de formulations moins rémanentes.

Notes
1965.

Jacques ANGRAND, « Alerte ! Il faut exterminer les ennemis des cultures en intensifiant la lutte », dans La défense des végétaux, septembre-octobre 1949, pp. 3-4