La période étudiée permet de cerner l’évolution des motivations politiques et scientifiques de la protection des végétaux. Un sentiment constant demeure. Il est résumé à la fin du vingtième siècle dans une thèse d’économétrie de la manière suivante : « Les agronomes considèrent la protection phytosanitaire comme la pierre angulaire des système de production intensive ». Or, bien que participant à l’intensification agricole, la lutte contre les ennemis des cultures se justifie successivement de plusieurs manières. Les périodes de cette modification de perception sont fluctuantes en fonction des cultures. Tout d’abord, la capacité nationale d’arriver à l’autosuffisance alimentaire est primordiale. Ce sentiment, estompé en partie dans l’entre-deux-guerres, réapparaît lors de crises agricoles importantes (Seconde guerre mondiale et période succédant à la Libération). En dehors de ces crises, dès que la production semble suffisante et que les récoltes sont protégeables, l’aspect commercial et parfois marketing prévaut (fruits sains par exemple). La parution du Printemps silencieux ainsi que divers problèmes strictement agricoles engendrés par les pesticides, aboutira au début des années 1970, à envisager de nouveaux types de produits. Le chef de département de zoologie agricole de l’INRA résume en 1972 les nouvelles orientations que certains, notamment à l’INRA, souhaitent engager en particulier pour les vergers : « Au cours des dix dernières années, la qualité essentielle demandée à un fruit était de ne pas présenter d’altération due à un insecte où à une maladie, dans l’avenir on peut penser que l’absence de résidu toxique sera la qualité la plus recherché ». Poursuivre les recherches, sur la période 1970-2000, afin d’appréhender non seulement les modifications des comportements phytosanitaires mais également les différences d’appréciations des industriels et scientifiques, permettrait d’établir une histoire plus complète de l’usage des pesticides en prenant également en compte le développement d’une volonté de mieux respecter de la faune auxiliaire et l’accroissement des surfaces traitées en lutte biologique. Si les travaux prenant en compte l’histoire très récente se heurtent toujours à des problèmes inhérents à la consultation des archives, le dernier tiers du vingtième siècle est cependant marqué par une multiplication des études statistiques (usage des pesticides, problèmes médicaux, motivations des agriculteurs), qui pourraient être mobilisées. Ainsi, ce type d’études permettrait d’affiner très nettement les rapports, entrevus dans notre étude, entre pesticides et environnement1969.
Il est à noter que les pesticides sont inclus dans des travaux concernant les problèmes dits de santé-environnement, c’est-à-dire les liens existants entre pollutions environnementales et problèmes de santé.
Voir l’étude historique : Davis Frederick ROWE, Pesticides and Toxicology : Episodes in the Evolution of Environmental Risk Assessment (1937-1997) : Dissertation, Yale University Press, 2001
Pour des éléments du débats actuels :
Dominique BELPOMME, Ces maladies créées par l'homme, Editions Albin Michel, Paris, 2004, 384 pages.