Dans l’Antiquité, le genre épistolaire fut illustré par des correspondances célèbres, celles de Cicéron, Pline, Fronton ou Symmaque, qui n’ont cessé d’être imitées par leurs successeurs. La christianisation de la culture antique n’a pas empêché la composition de correspondances majeures comme celles d’Ambroise, d’Augustin, de Jérôme ou de Grégoire le Grand qui ont renouvelé la conception traditionnelle de l’épître en faisant d’elle un support de l’argumentation théologique ou de l’enseignement spirituel, comme en témoignent l’epist. 130 d’Augustin à Proba sur la prière ou l’epist. 130 de Jérôme à Démétriade sur l’ascétisme. Mais l’épistolographie chrétienne ne se résume pas à ces textes célèbres et la production épistolaire resta intense au moins jusqu’à la seconde moitié du VIe s. À cet égard, l’étude de la Correspondance d’Ennode ne peut ignorer celles des trois épistoliers à peu près contemporains, Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont (470-487), Rurice de Limoges (485-507) et Avit de Vienne (490-518), confrontés à la chute de l’Empire d’Occident, dans le cas de Sidoine ou appartenant à la génération suivante, pour Rurice et Avit.
Ces quatre Correspondances se croisent et s’entrecroisent puisque leurs auteurs, qui exerçaient une charge ecclésiastique, étaient aussi liés par des relations de parenté sur lesquelles nous reviendrons284. Ces convergences nous permettront, tout au long de notre étude, d’établir des comparaisons textuelles qui éclaireront notre enquête sur de nombreux points. Mais l’héritage de l’épistolographie antique dans les deux premiers livres de la Correspondance se traduit avant tout par l’influence particulière d’un épistolier païen, Symmaque, et de l’un de ses correspondants, le poète Ausone285.
Voir index prosopographique, p. 442.
Il n’entre pas dans notre étude de déterminer si Ausone était païen ou chrétien. En effet, cette question a peu d’importance pour notre propos puisqu’Ennode considérait Ausone et Symmaque avant tout comme des modèles épistolaires.