L’épître d’Ennode est généralement brève, conformément à la règle des correspondances entre amis. Symmaque disait lui aussi sa préférence pour la brièveté laconique dans les correspondances avec des proches : « Vous me demandez une lettre plus longue. J’y vois la preuve de la sincérité de votre affection. Mais conscient de la pauvreté de mes moyens je préfère, quant à moi, rechercher une brièveté laconique que manifester dans d’innombrables pages la sécheresse de mon style dénué d’éloquence365 ». Ennode fait ouvertement référence à « l’usage » épistolaire lorsqu’il justifie la brièveté de ses lettres : « Je me ramène à la règle de l’écriture épistolaire de peur que l’introduction de la prolixité n’engendre le dégoût et que la supplique qui les a réclamées ne vous pousse au contraire à refuser ces lettres366 ». Imposée par les contraintes matérielles d’un écrit nécessairement limité, la brièveté donne lieu à des variations sur le thème d’un emploi du temps trop chargé367 ou de la hâte du porteur qui empêche l’auteur d’aller plus loin368.
Dans les deux premiers livres, quatre épîtres dépassent pourtant la norme de la breuitas. Ces exceptions sont des lettres de circonstance dictées par une situation particulière : les troubles consécutifs au schisme laurentien (l’epist. 1, 3 à Faustus), l’éloge du jeune consul Avienus à l’occasion de son entrée en fonction (l’epist. 1, 5 à Faustus), la consolation d’un proche en deuil (l’epist. 2, 1 à Armenius) et enfin la commande d’un texte théologique sur la grâce et le libre arbitre (l’epist. 2, 19 à Constantius). Dans ces deux derniers exemples, Ennode regrette même de ne pouvoir repousser davantage les bornes de l’épître : « Ah, si la brièveté d’une lettre permettait de dévoiler les mystères des livres sacrés ! Mais je crains que celui qui, grâce à l’aide de Dieu, n’a rien pu trouver à calomnier dans l’exposé de notre foi, ne mette en cause la longueur de cet écrit369 ». Si la brièveté est considérée positivement et suscite la satisfaction370, elle ne constitue donc pas une règle contraignante pour Ennode lorsque les circonstances exigent une lettre plus longue.
Symm. epist. 1, 14, 1 à Ausone, I, p. 78 : Petis a me litteras longiores. Est hoc in nos ueri amoris indicium. Sed ego qui sim paupertini ingenii mei conscius, Laconicae malo studere breuitati quam multiiugis paginis infantiae meae maciem publicare ; voir aussi epist. 5, 17 à Magnillus, II, p. 165 : breuem decet esse sermonem quo reditus indicatur. Quid enim mandes paginae, cum omnia quae scripto committi solent, fabulis potius debeant reseruari ? « les propos doivent être brefs, quand ils informent d’un retour, car que confier à une page, puisque tout ce qui, d’ordinaire, est déposé dans l’écrit doit plutôt être réservé aux conversations ? » (trad. J.-P. Callu).
Ennod. epist. 1, 22, 3 à Opilion : Ad morem tamen scriptionis epistulariae me reduco, ne addat prolixitas ingesta fastidium et denegari paginas faciat magis allegatio quae poposcit.
Epist. 1, 15, 3 à Florianus : Ecce quantum occupationi subducere potui, celer scripsi. Dabit Deus, ut si responsa desideras, uacuum curis pulsati pectus inuenias.
Epist. 2, 2, 3 à Speciosa : epistulari dans ueniam breuitati quam in angustum artauit festinatio portitoris.
Epist. 2, 19, 15 à Constantius : O si epistularis pateretur angustia sacrorum uoluminum arcana reserari ! sed timeo ne qui nullam poterit deo inspirante in fide nostra inuenire calumniam de paginae prolixitate causetur. Il exprime ce même regret dans l’epist. 2, 1, 11 à Armenius : « Voilà ce que j’ai assemblé en une lettre courte, alors que ma douleur est grande ».
Epist. 1, 15, 3 à Florianus : epistulae breuitate contentus.