b) La matérialité de la lettre : pagina, tabella, stylus

Sans préciser le contenu de ces documents joints, la Correspondance délivre toutefois des éléments concrets sur la matérialité de l’épître. Ennode évoque parfois une information écrite par son correspondant « en tête » (principe loco) de la lettre389. Les éléments concrets de la lettre apparaissent le plus souvent dans les métaphores : par exemple, l’expression fascis epistolaris 390 ne semble pas un simple synonyme d’Epistula mais pourrait désigner l’ensemble du courrier, c’est-à-dire la lettre, la pagina, et les documents joints ; dans une lettre à Avienus, le fils de Basilius, Ennode constate, non sans ironie, qu’on daigne désormais « recevoir les chaumes de [ses] tablettes391 » ; dans une épître acerbe à son parent Astyrius, il compare le « stylet » (stylus) de son correspondant au « soc d’une charrue392 » (uomer). Ce texte évoque en outre la procédure de l’adresse épistolaire : « je te prie, dans l’adresse de tes courriers, d’être attentif aux lieux, aux dates et aux personnes afin d’éviter que ce que je considère comme ne m’étant pas destiné n’aille blesser peut-être quelqu’un d’autre parce que je crois que tu as adressé le texte de cette lettre à plusieurs correspondants et que tu l’envoies à chacun en te contentant de changer le nom sans considération des mérites respectifs393 ». La réalité de ces correspondances ressort enfin de l’évocation des différentes étapes de l’échange épistolaire.

Notes
389.

Epist. 2, 24, 2 à Faustus : Deo gratias, quod principe loco ponendum est (…).

390.

Epist. 2, 16, 1 à Faustus.

391.

Epist. 2, 28, 3 à Avienus : tabellae nostrae culmos (…) accipere.

392.

Epist. 2, 12, 4 à Astyrius : Nam iniurius sim, si stili loco uomerem sentiam aut mihi scripta computem quae relegens non agnosco ;« Car serais-je injuste en ressentant à la place du stylet le soc de la charrue ou en considérant que m’ont été écrits des reproches dont je ne reconnais pas le bien-fondé en les relisant ? ».

393.

Epist. 2, 12, 5 à Astyrius : (…) deprecor, ut in dirigendis epistolis loca tempora personas adtendas, ne quod ego ad me scriptum non conputo, alterum forsitan laedat, quia aestimo te huius epistulae formulam ad plurimos destinasse et sola nominum conmutatione eam per singulos sine meritorum consideratione transmittere.