Plusieurs termes sont employés pour désigner les porteurs : le plus fréquent est perlator (six fois405) ou au féminin perlatrix (deux fois406) mais nous rencontrons aussi portitor (deux fois407), gerulus (une fois408) ou encore baiulus 409. La fonction de porteur ou de messager est remplie par des personnes très diverses (des esclaves410, des proches411, un ami se rendant à Ravenne412…) qui ont pour point commun d’être des personnes de confiance. Certaines épîtres se terminent parfois par la recommandation chaleureuse du porteur : « Salut, mon cher Seigneur, et recevez le clarissime Bassus, porteur de la présente, avec l’estime que vous manifestez d’ordinaire à ceux qui me sont chers car, parmi tous ceux qui ont à cœur de garder mon amitié à cause de vous, celui que je viens de nommer a atteint en quelque sorte le comble de la pureté413 ». Ces formules permettent d’identifier certains messagers auxquels Ennode confiait son courrier : Bassus, Felix414, Luminosus415, Pamphronius416.
La représentation des porteurs traduit fidèlement leur double fonction qui consistait à apporter le courrier mais aussi à livrer des informations qui n’étaient pas contenues dans la lettre. Il revenait au porteur, en effet, d’expliciter les raisons précises de la relation et de décrypter ce qui restait codé. Ennode insiste parfois sur cette fonction, à la fin de l’épître, afin d’authentifier les informations importantes qu’allait transmettre le porteur. Mais ces rappels révèlent aussi que les correspondants n’étaient pas tous conscients de cet usage. Ennode est très explicite, par exemple, lorsqu’il prie la religieuse de Pavie Speciosa de « bien vouloir apprendre du porteur de la présente lettre ce qu’il doit [lui] faire connaître417 ». Dans une autre épître destinée au grammaticus Pomerius, il fait référence aux « assertions du vénérable Félix, porteur de la présente418 ». Enfin, il évoque des informations qu’il tient lui-même du porteur : « je compte parmi les bienfaits célestes les bonnes nouvelles (…) que j’ai apprises de la bouche du porteur419 ». Cette fonction, qui explique l’apparence souvent formelle de ces lettres, a deux causes fondamentales. Elle tient d’abord aux exigences esthétiques du genre épistolaire : l’épître est un texte littéraire qui ne saurait s’encombrer de considérations prosaïques. Ensuite, il était imprudent d’être trop expansif dans une lettre qui, à tout moment, pouvait être interceptée par n’importe qui. Cette menace était si pressante que Sidoine Apollinaire conseillait à l’évêque Faustus, un quart de siècle plus tôt, de ne pas confier au porteur des informations compromettantes : « un messager ne peut en aucune façon franchir les postes de garde des grandes routes publiques, sans être l’objet d’un interrogatoire. Même s’il ne court aucune danger, étant exempt de crime, il éprouve néanmoins de très grande difficultés pendant tout le temps où un inquisiteur vigilant cherche à pénétrer tous les secrets des porteurs de courrier420 ». Cette prudence explique en partie le caractère superficiel ou du moins allusif des épîtres. Elle permet aussi de mesurer le rôle essentiel des porteurs et de comprendre pourquoi ils sont si souvent évoqués dans les lettres.
Epist. 2, 5, 3 à Laconius ; epist. 2, 7, 5 à Firminus ; epist. 2, 8, 1 à Apollinaris ; epist. 2, 11, 4 à Faustus ; epist. 2, 16, 2 à Faustus ; epist. 2, 25, 3 à Faustus.
Il semble que perlatrix soit un néologisme (voir epist. 1, 8, 4 : idoneae perlatricis uiaticum ; epist. 1, 22, 2 : querellarum perlatrices litteras).
Epist. 1, 17, 2 à Faustus ; epist. 2, 6, 3 à Pomerius.
Epist. 1, 20, 6 à Faustus.
Ce terme n’est pas employé dans les livres I et II mais revient dix fois dans les sept autres livres.
Epist. 1, 14, 4 à Faustus : puer destinaui.
Epist. 1, 20, 6 à Faustus : Bassum u. c. illa qua caros meos soletis dignatione suscipite (…).
Epist. 2, 25, 1 à Faustus : amico Rauennam properante.
Epist. 1, 20, 6 à Faustus : (…) gerulum praesentium Bassum u. c. illa qua caros meos soletis dignatione suscipite, quia inter omnes quibus affectus est meam propter uos amicitiam custodire, quandam praedictus arcem puritatis ascendit.
Epist. 2, 6, 3 à Pomerius : Quantum habuit praesentium portitoris sancti Felicis adsertio (…).
Epist. 2, 24, 1 à Faustus : Ad ista iungitur etiam bene de utrisque merentis sublimissimi Luminosi portitoris occasio, qui ad religionem meritorum uestrorum suae quoque gratiae fructus adiungit.
Epist. 2, 16, 1 à Faustus : Par quidem fuerat sublimi uiro Pamfronio commeante ministerium paginae ad uiui sermonis officia transferri nec illum epistolari fasce onerari, quem non tam uerba mea contigit nosse quam studia.
Epist. 2, 3, 4 à Speciosa : domina mi, (…) deprecor, ut libens per praesentium portitorem suggerenda cognoscas.
Epist. 2, 6, 3 à Pomerius : praesentium portitoris sancti Felicis adsertio.
Epist. 2, 7, 5 à Firminus : prospera quae (…) perlatoris relatione cognoui inter caelestia mihi beneficia conpetentur.
Sidon. epist. 9, 3, 2 à l’évêque Faustus, p. 135 : Quarum ista calculo primore numerabitur, quod custodias aggerum publicorum nequaquam tabellarius transit inrequisitus, qui etsi periculi nihil, utpote crimine uacans, plurimum sane perpeti solet difficultatis, dum secretum omne gerulorum peruigil explorator indagat.