2. Enseigner et transmettre la latinité

a) L’éloge de la culture

Entretenir la vitalité de la culture latine est un enjeu majeur dans toutes les correspondances de l’Antiquité tardive. Constituant par elles-mêmes de nouvelles œuvres latines, les lettres donnent l’occasion de faire lire les classiques. La transmission des œuvres antiques se manifeste par l’éloge des grands auteurs, comme en témoigne l’enthousiasme d’Ennode devant « la profondeur abyssale de Tullius, la propriété des mots de Crispus, l’élégance de Varron504 ». Les descriptions émerveillées des bibliothèques cultivent le goût et l’attachement pour les grandes œuvres latines jusque dans leur matérialité. L’exemple le plus célèbre est la description de la bibliothèque du Préfet Tonantius Ferreolus, décrite par Sidoine Apollinaire : « des livres étaient en grand nombre à votre disposition (vous auriez cru voir les étagères d’une bibliothèque de professeur ou les gradins de l’Athénée ou les armoires chargées des libraires). (…) Il y a lieu de noter du reste que parmi ces derniers volumes, il est certains auteurs qui, tout en défendant des causes différentes, ont su garder la même saveur de style : car des hommes comme Augustin ou Varron, Horace ou Prudence, qui étaient l’objet de fréquentes lectures, sont des écrivains chez qui la science est de même qualité505 ». La communication épistolaire permet de diffuser des exemplaires de ces œuvres, de demander ou de proposer des copies, comme l’indique, parmi tant d’autres, cette lettre de Rurice demandant à un certain Turencius de lui envoyer la Cité de Dieu d’Augustin506. Apologistes de la latinité, les épistoliers ne manquent jamais une occasion de faire l’éloge des pédagogues, les vrais relais de la culture latine : Sidoine célèbre Iohannes507, Rurice remercie le « magnifique » Hesperius508, le maître de son fils, Ennode loue Deuterius509 et Meribaudus510, les grammatici de Milan et de Rome.

Notes
504.

 Epist. 1, 16, 3 : credo aduersus me fuisset Tulliani profunditas gurgitis, Crispi proprietas, Varronis elegantia.

505.

 Sidon. epist. 2, 9, 4-5, II, p. 64-65 : Huc libri affatim in promptu (uidere te crederes aut grammaticales pluteos aut Athenaei cuneos aut armaria exstructa bybliopolarum) : sic tamen quod, qui inter matronarum cathedras codices erant, stilus his religiosus inueniebatur, qui uero per subsellia patrumfamilias, hi coturno Latiaris eloquii nobilitabantur ; licet quaepiam uolumina quorumpiam auctorum seruarent in causis disparibus dicendi parilitatem : nam similis scientiae uiri, hinc Augustinus, hinc Varro, hinc Horatius, hinc Prudentius lectitabantur. Quos inter Adamantius Origenes, Turranio Rufino interpretatus sedulo fidei nostrae lectoribus inspiciebatur.

506.

Ruric. epist. 2, 17, p. 402 (CSEL 21) : Salutem itaque dicens, rogo, sicut promittere dignati estis, librum nobis S. Augustini de Ciuitate Dei per portitorem harum sine dilatione mittatis. Cuius dum nos lectione aedificatis in terris, uobis eiusdem ciuitatis habitacula praeparetis in caelis, ad quam tamen aliter peruenire non possumus, nisi caritatis gradibus conscendamus.

507.

Sidon. epist. 8, 2.

508.

Ruric. epist. 1, 3 ; 1, 4 ; 1, 5.

509.

Ennod. epist. 1, 19.

510.

Epist. 9, 3 à Meribaudus.