c) Les lieux de l’enseignement : l’école, la palestre… et l’épître

Le premier d’entre eux est naturellement la palestre (palaestra). Le mot palaestra est toujours employé par Ennode comme un neutre pluriel517.Cet emploi peut s’expliquer d’un point de vue pratique : en effet, la palaestra était devenue un lieu de sociabilité où s’exerçaient de multiples activités comme le sport, la lecture, l’enseignement, la conversation ou la détente. Le déclin du métier de citoyen, à l’époque impériale, avait accéléré cette évolution en transférant certaines fonctions politiques et sociales dévolues au forum, à d’autres lieux publics, tels que les bains, les thermes ou la palestre. Or, c’est bien le lieu de l’enseignement et des exercices oratoires qu’évoque Ennode en citant la « palestre » : « c’est ainsi en vérité qu’exercée aux études des belles lettres, la palestre rayonne, c’est ainsi que les organes de la bouche, enduits de l’huile des études, se plient aux techniques de la parole518 ». Ennode célèbre aussi les lieux de la transmission du savoir.

La question de savoir si Ennode a lui-même enseigné dans une école est difficile à trancher. Ni ses correspondances avec les grammatici Pomerius, Deuterius ou Meribaudus, ni ses dictiones, qui ressemblent parfois à des exercices oratoires, ne livrent d’indices déterminants mais il paraît sûr qu’il n’exerçait pas dans une école au moment où il écrivit ses lettres. En effet, Ennode écrit explicitement à son parent Firminus qu’il est désormais « éloigné des écoles519 ». En outre, le fait qu’il raconte l’entrée de son neveu Lupicinus et d’Arator dans l’auditorium de Deuterius520, ou d’Ambrosius dans celui de Meribaudus521 sans jamais mentionner le lieu de son propre enseignement semble indiquer qu’il n’exerçait pas lui-même. Enfin, on voit mal comment il aurait pu concilier une telle fonction avec sa charge ecclésiastique522. Il n’en reste pas moins qu’Ennode ne redoute rien tant que de « recevoir [des lettres] qui n’aient aucune valeur rhétorique523 ». C’est pourquoi il supervise la formation de jeunes gens comme ses neveux Lupicinus et Parthenius, ou encore Iohannes, Florianus, Arator, etc. Le lieu de son enseignement, ce n’est pas l’école ou la « palestre », c’est son œuvre et en premier lieu sa Correspondance.

Notes
517.

 Voir epist. 1, 9, 1 : palaestra dilucidant ; epist. 2, 6, 4 : inter studiorum suorum palaestra ; dict.9, 6 : inter palaestra. Alors qu’il existe plusieurs exemples de neutres pluriels considérés comme des féminins singuliers (par exemple folia), le contraire est plutôt rare en latin.

518.

 Epist. 1, 9, 1 à Olybrius : Sic se equidem exercita litterarum gymnasiis palestra dilucidant, sic madefacta studiorum oleo loquendi artificiis oris membra submittunt.

519.

Epist. 2, 7, 3 à Firminus : nos ab scolarum gymnasiis sequestrati.

520.

Dict. 8 et 9.

521.

Epist. 9, 3 à Meribaudus.

522.

Voir epist. 1, 16, 4 à Florianus : « il a longtemps que l’amour de l’oraison m’a éloigné de la forme oratoire et que je ne peux me laisser accaparer par les fleurs de la rhétorique, moi qui suis appelé vers les plaintes et les prières par l’appel du devoir ».

523.

Epist. 2, 27, 3 à Honoratus : nihil est enim, quod magis (…) metuam (…) quam (…) accipere scholasticum nil mereri.