3. Perspectives globales de l’enquête prosopographique652

a) Remarques sur le principe d’une prosopographie chrétienne

En 1999, l’École française de Rome a publié un important dictionnaire de prosopographie de l’Italie chrétienne sous la direction de Ch. et L. Pietri. Cette publication couronnait une entreprise de recherche collective entamée dix ans plus tôt. S’il n’est pas nécessaire de souligner l’utilité de cet instrument de travail désormais indispensable, on peut s’interroger sur la pertinence d’une prosopographie chrétienne. En effet, seule la manifestation ou la déclaration de la foi d’un individu à travers des documents épigraphiques, iconographiques ou littéraires peut être considérée comme un critère justifiant sa présence dans un dictionnaire de prosopographie chrétienne. Le prosopographe ne s’intéresse donc pas aux convictions religieuses (par nature impénétrables) des individus mais à la représentation de leur foi (réelle ou pas). Cette condition tout à fait légitime pose toutefois deux problèmes : elle risque d’abord de laisser dans l’ombre des individus (d’origines romaine ou gothique) sous prétexte que nous ne possédons aucune représentation de leur foi. La deuxième restriction porte sur la nature des sources : une telle enquête repose, en partie, sur des sources littéraires constituées notamment par des correspondances, comme celles d’Ennode. Or, le caractère allusif de ces épîtres ne favorise pas l’expression de la foi, souvent réduite à des formules stéréotypées653. Pour limiter les risques d’omissions, nous avons donc regroupé en annexe tous les éléments prosopographiques tirés des épîtres en précisant les cas où nous ne savions pas si l’individu était chrétien. Nous avons réparti les notices en deux catégories : les correspondants et les personnages évoqués dans les lettres654. Mais l’approche prosopographique des épîtres ne se réduit pas à l’étude des individus. Elle permet de reconstituer des réseaux et des stratégies d’alliances cruciales pour l’histoire des élites gallo-romaines au début du VIe siècle.

Notes
652.

Nous prenons comme référence le dictionnaire de prosopographie chrétienne publié en 1999 (PCBE II).

653.

Ces obstacles illustrent la difficulté mais aussi l’intérêt du dépouillement des correspondances dans les enquêtes prosopographiques : voir E. Paoli, « Les notices sur les évêques de Milan (IVe – VIe siècle) », MEFRM, 100, 1988, p. 208.

654.

Voir annexe « Notices prosopographiques », p. 429-442.