A. Au service des évêques

1. Un modeste théologien

Tout d’abord, il faut bien reconnaître qu’Ennode n’est pas un grand théologien. Sa principale lettre théologique manque d’envergure. L’epist. 2, 19 à Constantius se présente comme un petit traité sur le libre arbitre que lui a commandé le destinataire, uir illustris à la cour de Ravenne ; il se résume en effet à un rapide exposé de la théologie lérinienne sur laquelle nous reviendrons. L’épître est accompagnée d’un billet dans lequel Ennode s’excuse de la médiocrité de son texte : « préservez mes bagatelles des rigueurs du public, parce que si notre écrit est obscur et hésitant, il est protégé par l’autorité de votre commande713 ». Cette humilité est sans doute plus sincère que « la modestie affectée » d’autres épîtres où l’on ne reconnaît qu’un lieu commun épistolaire. En effet, Ennode ne tient pas à ce que cette épître connaisse une trop grande publicité, surtout si les arguments qu’elle expose sont destinés à être repris par Constantius et présentés comme siens ! Toutefois, ce texte théologique témoigne d’une certaine audace : Sidoine Apollinaire n’avait pas hésité à refuser la proposition du comte de Trèves, Arbogast, d’écrire des commentaires sur l’Écriture, en arguant qu’il était incompétent en la matière : « quant aux textes sacrés sur lesquels vous voudriez que je bavarde, en bien méchant interprète, vous seriez mieux inspiré à demander ces commentaires à des pontifes (…) supérieurs par tous les dons des plus hauts mérites de la nature714 ». Contrairement à Sidoine, Ennode accepta la commande de Constantius715. Peu versé en théologie, il apparaît beaucoup plus habile dans la défense des intérêts de son évêque et, plus largement, du pouvoir épiscopal.

Notes
713.

 Ennod. epist. 2, 20 à Constantius : nugas meas a publico rigore subducite quia si pagina nostra res crepera atque anceps est, iussionis uestrae se tuetur patrocinio.

714.

 Sidon. epist. 4, 17, 3 à Arbogast, II, p. 150 : de paginis sane quod spiritalibus uis ut aliquid interpres improbus garriam, iustius haec postulantur a sacerdotibus (…) omni meritorum sublimium dote potioribus,

715.

 La comparaison avec Sidoine ne peut être poussée trop loin : contrairement à l’évêque de Clermont, Ennode entra très jeune dans les ordres et avait reçu une éducation religieuse précoce. Leur formation théologique ne pouvait donc être identique.