c) Le secrétaire

L’intervention du théologien ou de l’épistolier dans la rédaction de textes pontificaux n’est pas inédite au début du VIe siècle : on sait par exemple que des lettres majeures de Léon le Grand ont été écrites avec le concours de secrétaires aussi prestigieux que Prosper d’Aquitaine. Comme nous l’avons dit plus haut729, Ennode a mis très tôt ses talents oratoires et épistolaires au service de hautes personnalités religieuses. Quelques-uns de ses principaux textes répondent à des commandes précises : par exemple730, le Libellus pro Synodo, sur lequel nous reviendrons, ou le Praeceptum, commandé par l’évêque de Milan, qui enjoint aux évêques de partager leur demeure731. Symmaque eut lui-même l’occasion de solliciter Ennode puisque deux lettres du pape ont été écrites par Ennode, l’epist. 2, 14 aux évêques africains et l’epist. 5, 1 au patrice Liberius. Elles se trouvent également dans le corpus des lettres de Symmaque732. D’autres indices nous ont conduit à penser qu’Ennode avait probablement poursuivi, sous le pontificat d’Hormisdas, la contribution épistolaire commencée quelques années plus tôt dans l’entourage du pape Symmaque, en participant à la rédaction des lettres relatives au schisme acacien733. L’implication d’Ennode dans la chancellerie pontificale mériterait une étude à part entière. Il faudrait déterminer, par exemple, si sa contribution à la chancellerie pontificale n’a pas été encore plus importante, comme le suggère un fait chronologique troublant : l’épitaphe d’Ennode porte la date du 17 juillet 521, soit deux ans avant la mort d’Hormisdas, décédé en août 523. Or, la dernière lettre de l’abondante Correspondance d’Hormisdas transmise par la Collectio Auellana date de la fin du mois d’avril… 521 ! Cette coïncidence entre la dernière épître du pape (avril 521) et la mort d’Ennode (juillet 521) relève peut-être du hasard. Mais elle laisse supposer que l’évêque de Pavie a pu jouer un rôle dans les archives (scrinia) ou la transmission des lettres d’Hormisdas.

Les différents aspects de la contribution d’Ennode à la chancellerie pontificale mettent en évidence les qualités (relations sociales, compétences rhétoriques, littéraires et juridiques) qui lui avaient permis de se rendre peu à peu indispensable auprès de l’évêque de Pavie (Épiphane), de Milan (Laurent) et de Rome (Symmaque puis Hormisdas). Ils permettent également de constater que ses engagements ne sont pas seulement liés à des affaires particulières dans laquelle il aurait pu être impliqué personnellement mais, plus largement, au règlement des conflits que traverse l’Église du début du VIe siècle.

Notes
729.

Voir chapitre 2, p. 78.

730.

D’autres textes d’Ennode répondent probablement aussi à des commandes épiscopales : son célèbre Panégyrique de Théodoric, qui fut écrit pour remercier le roi d’avoir finalement soutenu la cause de Symmaque au cours du schisme laurentien, et ses deux textes hagiographiques (la Vita beati Antoni monachi Lerinensis et la Vita beati Epifani qui célèbre la mémoire de l’évêque Épiphane, l’un de ses prédécesseurs à Pavie).

731.

Ennod. opusc. 7 : Praeceptum quando iussi sunt omnes episcopi cellulanos habere. Par ce texte, l’évêque cherchait à répondre aux accusations d’immoralité formulées contre certains prélats.

732.

Symmachi papae epistolae et Decreta, epist. 2 ad Liberium patricium, PL 62, col. 49-50 et epist. 11 ad episcopos confessores, col. 71-72.

733.

Voir chapitre 2, p. 78, note 63.