Chapitre 7. Demain, la lux romana

A. L’expression nuancée de la lumière

1. L’échelle de la lumière : de la nuit noire au grand jour

Omniprésent dans toute l’œuvre d’Ennode, le champ sémantique de la lumière pourrait être une clef pour entrer dans ses lettres obscures767. Les termes employés désignent ou bien les sources de lumière (flamma, iubar, lux, lumen, lunaris globus, luna, rogus, sol, stella…) ou bien ses différentes intensités, à travers des noms (claritas, fulgor, splendor, scintilla, radius…), des adjectifs (clarus, inlustris, lucidus, splendidus…) et des verbes (dilucidare, fulgere, inlucere, inlustrare nitere, radire, rutilare,…). À ces termes s’ajoutent leurs antonymes, c’est-à-dire tout le champ sémantique de l’obscurité (obscurus, nox, tenebrae, nubes…). Cette diversité lexicale constitue finalement une palette de différentes intensités, de la nuit noire à la lumière éblouissante, une échelle sur laquelle se déploie le symbolisme de la lumière à travers une série de nuances. L’expression de ces nuances montre que l’avènement de la lux romana résulte d’un processus qui se nourrit des lueurs les plus ténues : par exemple, la culture profane n’est jamais symbolisée par l’obscurité – ce qui contredirait l’omniprésence de l’épistolographie profane – mais par une lumière768 de moindre intensité que la lumière chrétienne, comme celle de l’aurore par rapport au soleil de midi769. Le rapport dynamique entre ces deux lumières770 permet à Ennode de mettre en valeur l’utilité des lettres profanes pour la culture chrétienne.

Notes
767.

D’autres auteurs accordent une grande importance au thème de la lumière : « la richesse du vocabulaire de la lumière dans les Vitae constitue certainement l’aspect le plus frappant de l’œuvre alcuinienne (…) » (Veyrard-Cosme, L’œuvre hagiographique en prose d’Alcuin, 2003, p. 364). Toutefois, ce qui surprend, dans le cas d’Ennode, est que le thème de la lumière soit présent non seulement dans ses œuvres majeures (Vitae, Libellus pro Synodo, Panegyricus dictus Theoderico) mais aussi dans ses épîtres réputées pour leur insignifiance.

768.

Ennod. epist. 3, 15, 2 à Euprepia : mundana luce.

769.

Epist. 7, 19, 4 à Simplicianus : in Matutina luce meridiano fulgore rutilasti.

770.

Epist. 1, 19, 3 à Deuterius : utraque luce ; epist. 3, 26, 1 à Auienus : gemina luce.