Malgré le caractère allusif du style épistolaire, Ennode évoque souvent les peines, les douleurs et les « dangers présents836 ». Le tableau de Rome suscitant l’inquiétude de tous les peuples de la terre837 et celui de la Ligurie en cendres838 illustrent les « malheurs de temps839 » causés par des « ennemis » et des « adversaires » omniprésents dans ces lettres mais qui ne sont jamais nommés840. Ennode stigmatise ainsi l’immoralité de ses contemporains comme en témoignent les termes employés (uitia temporis 841, labe temporis, meritorum nostrorum nebulis 842). Cette description éthique du malheur est renforcée par le sentiment que le monde est en danger de mort. Cette menace, qui traverse les épîtres, est suscitée par ces « ennemis » qui, comme l’adversaire schismatique de Constantius, sont des « esclaves de la mort843 ».
L’obscurité des temps et le risque de la mort sont des thèmes inhérents à l’eschatologie chrétienne : l’annonce de l’avènement de la Jérusalem céleste n’a de sens que si le présent est source de douleurs844. C’est pourquoi il faut interpréter avec prudence la déploration sur le présent qui ne renvoie pas seulement à des événements réels. Mais la « tristesse845 » d’Ennode dans les livres I et II de la Correspondance est étroitement liée au schisme laurentien846. Si cette crise n’est pas l’unique cause de la dévalorisation du présent, son règlement laisse présager des temps meilleurs et permet de nourrir la confiance dans l’avenir.
Epist. 2, 24, 2 à Faustus : tumida inimicorum ceruix.
Epist. 1, 3, 8 à Faustus.
Epist. 2, 19, 1 à Constantius.
Epist. 2, 18, 2 à Jean : temporum mala.
Epist. 2, 10, 4 à Faustus : aduersarium mala ; inimicorum damna.
Epist. 1, 10, 2 à Jean.
Epist. 1, 7, 1 à Faustus.
Epist. 2, 19, 17 à Constantius : mancipium mortis.
Jo. 16, 20-25.
Epist. 2, 16, 4 à Faustus : inter maeroris sarcinas.
Les allusions au « malheur des temps » font notamment référence aux violences consécutives au schisme laurentien : voir chapitre 6, p. 187, note 40 sq.