Cette espérance apparaît notamment dans la valorisation de tout ce qui est nouveau. L’adjectif nouus est toujours employé positivement : par exemple, Ennode félicite Jean pour la « nouveauté de ses pensées » et « la nouveauté de sa conversation850 » ; il présente aussi l’accession du « nouveau consul » Avienus comme une source de lumière851. La réalisation du plan divin est l’assurance d’un avenir meilleur. Le cours de l’histoire s’étend donc entre un « âge d’or852 » que les anciens situaient dans un passé mythique et l’avènement prochain d’un « siècle d’or853 ». Il est frappant de constater qu’Ennode n’utilise pas le mot aetas pour désigner cet horizon mais celui de saeculum 854. Si le premier terme est figé dans la représentation profane d’un état d’innocence, le second inscrit la « lumière » tant attendue dans l’histoire. Cette conception historique confère une valeur dynamique à cette espérance qui ne peut aboutir qu’avec l’intervention active des hommes. La représentation du « siècle d’or » ne désigne donc pas un état de béatitude immobile mais une construction historique toujours perfectible. C’est pourquoi Ennode ne parle jamais d’une « éternité excellente » mais d’un « siècle meilleur855 » : il n’emploie jamais le superlatif optimus mais seulement le comparatif melior. Cette conception dynamique du « siècle d’or » n’est pas incompatible avec l’évocation de la « fin des temps » (extremitas temporum 856). En effet, Ennode montre que cet horizon idéal est en germe au début du VIe siècle : « même à la fin des temps, [la Ligurie] n’a pas renoncé à la gloire d’enfanter. Dans les cendres encore, elle nourrit un foyer, ennemi des vices, dans les braises duquel la flamme, qui venge les crimes, ne meurt pas (…)857 ». L’extremitas temporum n’exprime donc pas la fin de l’histoire mais au contraire la nécessité permanente de l’action, ce qui confère aux correspondances une fonction majeure.
Epist. 1, 1, 4 à Jean : nouitatem sensuum monstras (…) et ueteris decora novelli uincis nitore conloquii.
Epist. 1, 5, 2 à Faustus : nouellus consul inluxit.
Le thème de l’âge d’or est naturellement fréquent (voir Verg. ecl. 4, 8-9 ; Ov. met. 1, 27 ; 2, 92 ; Calp. ecl. 1, 42-45). Mais Ennode ne célèbre pas la renaissance d’un âge d’or comme la plupart de ses prédécesseurs païens : il place en Dieu l’espoir d’un avenir « meilleur » qui n’a, semble-t-il, jamais encore existé. Cette eschatologie de l’âge d’or n’est pourtant pas propre à la pensée chrétienne : voir Verg. ecl. 4, 8-9, éd. et trad. E. de Saint-Denis, 1987, p. 60 (CUF) : Tu modo nascenti puero, quo ferrea primum / desinet ac toto surget gens aurea mundo / casta, faue, Lucina ; « Daigne, seulement, chaste Lucine, favoriser la naissance de l’enfant qui verra pour commencer, disparaître la race de fer, et se lever, sur le monde entier, la race d’or »).
Ennod. epist. 1, 7, 1 à Faustus : aurei saeculi candor.
Epist. 1, 13, 1 à Agapitus : bona melioris saeculi ; epist. 2, 1, 8 à Armenius : melioris saeculi ; epist. 2, 6, 2 à Pomerius : haec melius secuturis reseruanda temporibus.
Voir note précédente.
Epist. 2, 19, 1 à Constantius.
Epist. 2, 19, 1 à Constantius : nobilitatem pariendi nec in temporum extremitate deposuit. Inimicum uitiis adhuc et in cineribus nutrit incendium, in cuius fauillis ultrix criminum flamma non moritur (…).