3. Théodoric : une préfiguration du « roi chrétien, lumière du Christ » ?

Dès lors, le thème de la lux romana traduit aussi, de façon assez subtile, une représentation originale du pouvoir royal888 : l’éloge de Théodoric, dans l’epist. 9, 30, – qui contient les thèmes de son Panégyrique de Théodoric – confirme que le rayonnement de Rome est inséparable de la lumière du Christ qui implique, à ses yeux, le renforcement de l’Institution pontificale : tout en célébrant la libertas que le roi avait rendue au Sénat, Ennode souligne sa tolérance à l’égard de l’Église et son soutien au pape Symmaque durant le schisme laurentien889 : il exalte la figure de ce roi arien qui « fait briller les nouvelles générations de la splendeur d’un éclat inattendu890 ». Si ce symbolisme de la lumière s’inscrit dans la rhétorique des panégyriques latins traditionnels et si l’on est loin de la représentation du roi carolingien, « phare de l’Europe891 » qui diffuse la lumière du Christ, la lumière de Théodoric marque une évolution par rapport à la « splendeur impériale » : la lettre au pape Symmaque se termine en effet sur une prière au Christ, lui demandant de « faire durer les bienfaits qu’il a conférés à ses serviteurs en la personne du roi très clément892 ». Autrement dit, Théodoric apparaît ici comme un intermédiaire de la lumière divine. Dans cette représentation du roi, qui semble originale, le problème n’est pas de savoir si elle reflète la réalité de l’attitude du roi mais de voir qu’Ennode cherche à construire l’image d’un roi qui fait rayonner la lumière du Christ, moins pour remercier Théodoric (qui était resté très hésitant durant le schisme laurentien) que pour l’influencer et, partant, accélérer l’avènement de la lux romana.

Notes
888.

Voir Bührer-Thierry (à paraître).

889.

Ennod. epist. 9, 30, 3-4 à Symmaque : Deo gratias principe loco, et tota epistulae concinnatione referamus, quia in societatem capitis sui aliquando Romana membra coierunt. Iustum erat, ut et beatus Petrus apostolus sedi suae ecclesias et senatui liberiori per Dominum partes debitas reformaret.

890.

Epist. 9, 30, 9 à Symmaque : splendore inopinati fulgoris irradiat

891.

Bührer-Thierry (à paraître).

892.

 Ennod. epist. 9, 30, 9 à Symmaque : splendore inopinati fulgoris irradiat.