A. L’idéal stylistique d’Ennode : la « simple beauté »

1. Les Épîtres : des « exercices de style »

Le style est une préoccupation essentielle d’Ennode. Même s’il affirme avoir « renoncé aux fleurs de la rhétorique » pour se consacrer aux devoirs de son ministère, il supporte mal les critiques sur sa langue, surtout lorsqu’elles émanent d’un grammaticus comme Pomerius908 : « si jadis, quand je me délectais encore des études littéraires toutes nouvelles pour moi, quelqu’un m’avait touché d’un tel coup de dent, j’aurais préparé soit une réplique adaptée pour me justifier soit une objection dont je n’aurais pas eu à rougir909 ». Le ton de cette remarque suffit à prouver que la qualité de son style n’est pas chose anodine pour Ennode. Il n’y a pas de contradiction entre le renoncement aux « fleurs de la rhétorique » et le souci du style car celui-ci est partie intégrante de l’efficacité épistolaire.

Ennode ne renonce jamais à l’« exercice de style910 » que constitue l’écriture des épîtres. L’expression stili exercitium pourrait même indiquer que les lettres sont l’occasion d’exercer et d’aiguiser sa plume en vue de textes et de débats plus importants. Ennode aurait ainsi « fait son style » au moyen de l’écriture épistolaire qui lui offrait la possibilité d’utiliser tous les tours, d’adapter son expression aux situations les plus diverses, d’acquérir par là une véritable souplesse. Ces lettres pourraient être considérées à proprement parler comme des « essais de style ». Ennode profite ainsi de ses relations avec des lettrés pour exposer sa conception de « l’éloquence parfaite911 », la quadrata elocutio. La seconde lettre à son parent Firminus, auctor perfectus pour lequel il exprime sa plus grande admiration, exprime en quelques mots l’idéal stylistique vers lequel il tend lui-même : Firminus, écrit-il, offre « une langue riche, un style châtié, une expression parfaitement latine912 ».

Notes
908.

Ennod. epist. 2, 6, 3 à Pomerius : Quantum habui praesentium portitoris sancti Felicis assertio, in epistolis meis sine cura dictatis Romanam aequalitatem et Latiaris undae uenam alumnus Rhodani perquirebas.

909.

Epist. 2, 6, 5 à Pomerius : Si me tamen quondam studiorum liberalium adhuc nobilitate gaudentem aliquis tali dente tetigisset, parassem uel quod ad excusationem esset idoneum uel quod non puderet objectum.

910.

Epist. 2, 16, 2 à Faustus : Ergo ad stili exercitium iunguntur haec : « cette lettre lui est donc adjointe pour exercer mon style ».

911.

Epist. 2, 7, 3 à Firminus.

912.

Id. : ubertas linguae, castigatus sermo, Latiaris ductus.