Prolégomènes à l’édition et à la traduction des Épîtres

I. Principes de l’édition

A. La supériorité de B sur les manuscrits de la famille du Vaticanus

L’étude de la collection et de la réception de la Correspondance depuis le VIe s. nous a conduit à fonder notre édition sur la collation des manuscrits, complets et partiels, que nous avons décrits dans le chapitre 1. Nous avons pu constater, comme les éditeurs précédents, que nous nous trouvions en présence de deux séries de leçons : la première est donnée par le manuscrit de Bruxelles (B), la seconde par la famille des manuscrits qui dérivent du manuscrit du Vatican (V)1116. La confrontation des leçons propres à B, qui n’a aucun descendant, avec celles des témoins de la seconde classe fait apparaître la supériorité de B, comme en témoignent les exemples suivants où B est le seul manuscrit à donner la bonne leçon :

epist. 1, 6, 6. mariam (…) adduamque B maria (…) adduam quae VLDET cett.

Ennode évoque la Maira et l’Addua, les deux affluents du lac de Côme.

epist. 1, 16, 3. crispi B crisippi cett.

Ennode célèbre le style de Tullius (Cicéron) et de Crispus (Salluste), deux des principaux auteurs « classiques » dans l’enseignement littéraire1117.

epist. 1, 6, 7 dedisset B dedissent cett.
epist. 1, 9, 1 fauos B fauus cett.
epist. 1, 9, 3 ut B om. cett.
epist. 1, 15, 1 uero B ueri cett.
epist. 1, 19, 4 superflua B superfluas cett.
epist. 1, 20, 2 conlata B conlocata VLcollocata rel.
epist. 1, 22, 2 forsitan…significet B forsitan…significat cett.

La valeur majeure de B nous a incité à donner systématiquement la leçon de B, sauf quand elle relevait d’un barbarisme. Mais nous n’avons pas négligé le manuscrit Vaticanus et ses dérivés qui proposent parfois des leçons meilleures que B, comme le montrent les exemples suivants que nous justifierons plus loin :

Epist. 1, 1, 5. in aestimatione codd. instimatione B
Epist. 2, 6, 2. summam codd. summam ecclesiam B
Epist. 2, 7, 1. teneri VDAETC etenere Bet teneri P
Epist. 2, 17, 3. expetentem codd. expectentem B
Epist. 2, 19, 9. praestante codd. protestante B

Notre objectif est de proposer une édition critique – et non diplomatique – qui doit indiquer avant tout la forme définitive que prend la « leçon », après correction éventuelle par la même main ou par une autre main. Nous n’avons donc pas fait apparaître les différentes étapes de la correction des manuscrits, sauf pour B, pour V et pour des cas exceptionnellement intéressants pour lesquels nous utilisons les abréviations suivantes :

X 1, X 2 correction de première ou deuxième main.
X ac, X pc leçon avant ou après correction.
X sl au-dessus de la ligne.
X mg hors du texte.
[X] suppression de mots.
<X> ajout de mots.

Dans la même perspective, nous n’avons pas signalé l’ensemble des hypothèses formulées par les éditeurs précédents (prop.). Enfin, nous avons presque toujours évité de faire figurer les simples variantes orthographiques ou confusions traditionnelles (e/i ; e/ae ; u/o ; b/u), les fautes d’orthographe, les barbarismes, sauf cas exceptionnels où ces indications pouvaient éclairer le mécanisme d’une faute ou l’histoire du texte. L’établissement d’un apparat critique exhaustif s’est rapidement révélé impossible, voire inutile : en effet, la difficulté du texte d’Ennode et la fonction de certains recueils (pédagogique, doctrinale, spirituelle…) ont incité les copistes à multiplier les corrections au point de rendre difficile la répartition des manuscrits à l’intérieur même de la famille du Vaticanus 1118. Nous avons essayé de tenir compte des témoins lacunaires et partiels (O et T) en prenant soin de préciser les extraits qu’ils omettaient, sauf lorsque le manuscrit ne cite que quelques phrases par lettre. Nous avons ainsi renoncé à indiquer les omissions de A afin de ne pas alourdir inutilement l’apparat. Conformément à l’habitude de la Collection des Universités de France et des Sources Chrétiennes, nous avons suivi, dans l’apparat critique, les numéros des paragraphes en conservant la numérotation attribuée par F. Vogel dont l’édition a constitué notre référence.

Au cours de la collation, nous avons naturellement prêté une attention particulière aux manuscrits inconnus de F. Vogel1119, même si ces témoins, qui appartiennent à la seconde classe, apportent moins d’éléments nouveaux pour l’établissement du texte que pour l’histoire de sa réception1120. Notre édition est globalement conservatrice : les conjectures personnelles sont exceptionnelles, les autres variantes ayant été proposées par les copistes ou par les éditeurs. Nous avons rassemblé ci-dessous les principales difficultés textuelles qui exigeaient des éclaircissements ou des justifications :

Notes
1116.

Pour l’analyse des manuscrits et des éditions utilisés pour l’établissement du texte, voir le chapitre 1 du commentaire, p. 43-65.

1117.

Cicéron, Salluste, Virgile et Térence constituent, dans les écoles de l’Antiquité tardive, le quadrige des auteurs classiques (voir Arusianus Messius, Exempla Elocutionum, dans Grammatici Latini, VII, 449, ed. Keil).

1118.

Nous avons essayé de le faire pour quelques exemples, voir chapitre 1 du commentaire, p. 47-49 et p. 59.

1119.

Nous avons collationné trois nouveaux témoins : León, Biblioteca de la Catedral, 33, XIIe s. (D) ; Londres, British Libr. Royal 8 E. IV, XII/XIIIe s. (A) ; Paris, Bibliothèque Nationale de France, Lat 2833 A, IXe s. (F).

1120.

Voir chapitre 1 du commentaire, p. 43-65.