17. – Ennode à Faustus

Septième lettre à Faustus. Ce billet d’amitié est un éloge de l’échange épistolaire et au pouvoir de l’épître qui abolit les distances entre les amis 1450 . C’est aussi une manière délicate de demander une nouvelle fois à Faustus une lettre.

1. Si le cœur d’un ami vient à manquer aux devoirs1451 habituels, il voit alors dans leur cessation même un bien mauvais augure. Car il est lui-même la cause de sa tristesse, celui qui ne croit pas que ce qu’il aime habite toujours dans le voisinage. Mais est-il quelqu’un pour considérer comme parti au loin celui qu’il touche par la pensée ? En effet, si l’esprit est en l’homme un bien de la divinité, il ne peut ressentir les dommages qu’infligent les distances1452. J’ai dit quelle raison me pousse à vous envoyer ces écrits. 2. Je vous rends les hommages de la salutation pour lesquels les épîtres sont rendues publiques1453,priant Dieu que, par le don de la faveur céleste, votre Grandeur soit en pleine santé à la remise de la présente lettre. Voici1454 donc1455 le message que doit recevoir le porteur qui m’a fourni l’occasion de cet entretien <et1456> que je recommande en échange1457 de bons procédés.

Notes
1450.

Ennode célèbre ici une vertu traditionnelle de l’épître qu’il rappelle souvent dans sa Correspondance (voir Ennod. epist. 1, 11, 1 ; 1, 12, 3 ; 1, 17, 1 ; 1, 21, 1 ; 1, 23, 1 ; 2, 24).

1451.

Il s’agit bien entendu des devoirs épistolaires.

1452.

Cette phrase constitue une sentence que l’on retrouve dans certains florilèges médiévaux. Ennode portait une grande attention à la rédaction de ce type de phrase où était condensé un précepte. L’analyse rythmique des derniers mots [damna terrarum] permet notamment d’y reconnaître la clausule préférée d’Ennode : le crétique-spondée – U – / – – (voir Fougnies et notre annexe « Les Sentences d’Ennode », p. 423-428).

1453.

Le verbe promulgari est un terme technique de droit public qui désigne l’action de présenter officiellement un texte (par exemple une loi). Le choix de ce verbe donne une force particulière à cette épître qui est un éloge de l’amitié épistolaire et à la relation particulière qui unit Ennode à Faustus. Mais le verbe promulgari va plus loin : il assimile la lettre à la loi, donnant à l’épître l’onction d’un texte de loi (les lois de l’amitié).

1454.

Quod semble devoir être compris comme un relatif de liaison (= et id).

1455.

Tamen : en latin tardif, le sens des particules adversatives (tamen, at, etc.) s’est beaucoup affaibli. En début de phrases ou de paragraphes, elles ne servent parfois qu’à passer d’un fait à un autre et ont la valeur d’une « simple particule de transition » (voir Dubois, p. 482).

1456.

Si la traduction française impose de restituer la conjonction et pour coordonner les verbes praestitit et commendatur, il n’est pas nécessaire de l’exprimer en latin comme le suggérait Hartel dans son édition critique. En effet, l’absence de conjonction (l’asyndète) est caractéristique des auteurs tardifs. Dans Le Latin de saint Avit, H. Goelzer remarque lui aussi « l’omission voulue de certaines conjonctions de coordination. Avitus, qui comme ses contemporains, a une préférence marquée pour le style coupé, se garde bien d’exprimer, sans nécessité absolue, les particules de liaison. Dans les énumérations, il supprime la conjonction et non seulement entre les mots d’une même proposition (…) mais encore entre les propositions elles-mêmes » (p. 716).

1457.

La uicissitudo, la « réciprocité », est l’un des fondements de l’amitié épistolaire (voir Bruggisser, p. 15).