Neuvième lettre à Faustus. C’est avec une grande anxiété qu’Ennode attend des nouvelles de l’arrivée de Faustus. Ses yeux souffrent de ne pas voir venir le messager qui guérira la douleur qui déchire son âme.
1. Longtemps, concernant l’arrivée de votre Grandeur, mon esprit est resté suspendu à un signe incertain. Mais une fois que la divine miséricorde m’a délivré d’une anxiété de ce genre, je me suis aussitôt consacré à mes devoirs habituels, bien que je n’aie pas interrompu les hommages de mes lettres, même1511 à l’égard de celui qui était parti au loin. En indiquant donc, dans ces pages1512, ma mauvaise santé, je révèle la maladie de l’âme que le chagrin m’a fait contracter. Je suis inquiet pour le salut1513 des plus illustres d’entre nous1514, me trouvant dans un lieu où le messager attendu ne parvient pas sans difficultés1515. 2. Ce qui m’est une consolation, c’est de prier Dieu de ne pas souffrir qu’aucun souci ne tourmente davantage son serviteur mais d’apaiser mes agitations par un prompt remède1516 : leur1517 retour à un bonheur assuré1518. Vous saluant avec l’humilité que je vous dois, je vous prie, maintenant que vous savez pour quelles raisons mon âme est ballottée par des considérations diverses, de venir rapidement à mon secours par le bienfait d’une lettre m’apportant la joie.
Nec digresso : ne digresso quidem.
His < paginis >
Ennode joue sur le double sens de salus, médical (Cic. nat. 3, 91) et politique (Cic. Verr. 2, 16).
Nous pensons que le terme lumina désigne ici, dans un sens figuré, les « clarissimes » ou plus généralement les « brillants personnages ». Cette signification, qui se retrouve aujourd’hui en italien dans le mot luminare, « lumière » ou « personne rayonnante », est attestée en latin (Voir Val. Max. 3, 8, 7 : non indignabuntur lumina nostrae urbis ; « On n’indignait pas ceux qui font l’éclat de notre ville »). Cette interprétation hardie est plus cohérente, d’un point de vue grammatical, avec le pronom eorum dans la phrase suivante : elle traduit une recherche sémantique dont témoignait un autre jeu de mot sur lumina dans l’epist. 1, 19, 3 à Deutérius. Mais une seconde interprétation pourrait être envisagée : le terme lumina pourrait désigner simplement « les yeux ». Il serait aussi employé dans un sens métaphorique puisque la souffrance d’Ennode est une « maladie de l’âme » (aegritudinem animi). Ennode voudrait dire ainsi qu’il craint de n’avoir pas assez bonne vue, du lieu où il se trouve, pour voir d’assez loin le messager qui va lui annoncer l’arrivée imminente de Faustus. Mais cette seconde solution nous paraît moins probable.
Cette précision semble indiquer qu’Ennode n’est ni à Milan ni à Ravenne. Il est peut-être lui-même en mission dans quelque ville reculée où il attend des instructions de Fauste. Mais tout cela n’est que supposition.
Le groupe de reducta eorum in solidum prosperitate doit dépendre de celeri medella. Le traduction littérale de la fin de la phrase est donc : « …un prompt remède venant de leur retour à un bonheur assuré ».
Le pronom de rappel eorum désigne, croyons-nous, les lumina (voir note 4). Toutefois, une autre interprétation est possible : eorum pourrait anticiper sur aestibus meis et représenter aestuum. La phrase devrait alors être traduite ainsi : « Mais qu’il subvienne par une guérison rapide à mes soucis en les ramenant solidement (=pour de bon) à une issue favorable ».
Ennode joue sur le double sens de prosperitas, le « bonheur » et la « santé » : l’expression in solidum prosperitate désigne à la fois « un bonheur assuré » et « une entière guérison ». Dès lors, il est possible qu’il y ait un lien entre l’epist. 1, 21 (l’inquiétude d’Ennode pour la « santé » de ces lumina) et l’epist. 1, 20 (la prière d’action de grâce après la guérison providentielle des enfants (?) de la famille de Faustus).