25. – Ennode à Olyrius et Eugénés

Unique lettre conjointe à Olybrius et Eugenes 1563  : Ennode critique leur silence épistolaire et justifie son insistance par une référence aux Evangiles.

1. Le regret1564 de ne plus recevoir vos lettres a fait que mon front est prodigue de sa modestie1565 et, quand l’envoi d’une tablette me promet une réponse, il ne sait pas réprimer dans un secret pudique un manque d’éloquence invétéré1566. Certes, j’aurais dû à mon sang et à mon sacerdoce l’élégance du silence dès lors que nos premiers entretiens eurent refusé tout fruit à mon espérance. Mais je ne sais pas si l’on juge défavorablement une obstination tenace qui, sans porter préjudice à autrui, avec soin et par amour, multiplie les périls de l’expérience. 2. Portez-vous donc bien, mes chers Seigneurs, et revenez à la concorde épistolaire avec moi, de peur de vous opposer aux exhortations de l’Évangile1567 si vous refusez même à l’importunité ce qu’aurait eu peut-être le droit d’obtenir l’affection.

Notes
1563.

Olybrius et Eugenes (ou Eugenetes) étaient probablement frères, comme le suppose J. R. Martindale (PLRE, p. 415). Ils sont, avec Fidelis, les fils d’un avocat milanais ; l’aîné Olybrius, brillant orateur, sénateur et préfet du prétoire en 503, reçut cinq lettres d’Ennode. Sa mort brutale est l’objet de l’epist. 3, 2, lettre de consolation d’Ennode à Eugenetes (PLRE, « Olybrius 5 », p. 795-796). Eugenes, questeur du palais en 506 puis maître des offices, reçut dix lettres du diacre de Milan qui le présente comme un homme de culture. Eugenetes était lié à Liberius, Sénarius, Albinus et Agapitus, en charge à la cour de Ravenne, avec lesquels Ennode essaie d’entretenir des relations épistolaires (voir PLRE, « Eugenes », p. 414-415).

1564.

Desiderium : « le désir de vos lettres », c’est-à-dire le regret de ne pas recevoir vos lettres.

1565.

Pudoris (la modestie) n’est pas le complément du nom frons (le front, l’effronterie) mais de l’adjectif prodiga. Le groupe prodiga frons pudoris est également employé dans l’epist. 1, 12, 1 où pudoris ne peut être que le complément de prodiga ; en outre, l’expression frons pudoris (l’effronterie de ma modestie) constituerait un oxymore qui aurait peu de sens ; enfin, l’emploi absolu de l’adjectif prodigus est très rare. Nous comprenons donc : « mon front est devenue prodigue de ma pudeur », c’est-à-dire « mon front a gaspillé ma modestie ».

1566.

L’infantia est d’abord un lieu commun de la modestie épistolaire. Mais elle fait aussi allusion au rejet de la rhétorique depuis qu’Ennode est devenu clerc. Si ce dernier ne s’en tient pas strictement au silence – comme en témoignent ses nombreuses lettres –, il ne faut pas y voir un mépris pour ses fonctions religieuses (son propositum) dont il est souvent question dans la Correspondance : aucune règle ecclésiastique ne contraignait les diacres au silence contrairement aux évêques. Il est frappant de constater qu’Ennode respecta strictement cette injonction en cessant toute correspondance personnelle après son élévation à l’épiscopat et en limitant son activité épistolaire à la chancellerie pontificale (voir S. Gioanni, « La contribution épistolaire d’Ennode de Pavie à la primauté pontificale sous le règne des papes Symmaque et Hormisdas », 2001, p. 245-268).

1567.

La dernière phrase reprend de façon condensée l’éloge de l’inportunitas par laquelle Ennode commence l’epist. 1, 3, 1-2 à Faustus. Ennode y justifiait également son insistance par une référence aux Evangiles (voir Luc, 11, 8-9 : dico uobis et si non dabit illi surgens eo quod amicus eius sit propter inprobitatem tamen eius surget et dabit illi quotquot habet necessarios. Et ego uobis dico petite et dabitur uobis : « je vous le dis, même s’il ne se lève pas pour les lui donner en qualité d’ami, il se lèvera du moins à cause de son impudence et lui donnera tout ce dont il a besoin. Et moi je vous dis : demandez et l’on vous donnera », trad. La Bible de Jérusalem).