Troisième 1632 ( ?) lettre à Olybrius, ami d’Ennode, brillant orateur et homme politique : après un préambule sur les obligations de l’amitié épistolaire, Ennode célèbre la concorde qui unit un clerc (=lui-même) à un homme exerçant une très noble fonction (=Olybrius).
1. Nul ne doute qu’entre sages 1633 ne se réalise pleinement la foi d’une promesse sacrée et qu’une amitié mariée 1634 à de riches aliments ne se réjouisse de la noblesse de ses fruits 1635 . Quant à moi, j’en appelle à votre conscience déjà liée par des engagements fidèles ; quant à moi, comme de la production d’un bon arbre 1636 , je cueille, en propriétaire consciencieux, les fruits de notre affection mutuelle. Aucune des deux parties n’est à l’affût d’une séparation 1637 pour pouvoir dire que ce qu’elle voulait n’a pas été réalisé. 2. C’est devant Dieu que les vœux méritent d’obtenir le châtiment ou la récompense. Quant à moi, lorsque je considère, en moi, la vocation religieuse et, en vous, la très haute noblesse de la fonction 1638 , j’estime que les prémices de notre relation ont atteint, entre nous, la réalisation de la concorde ; et, alors que les fruits de notre sympathie mûrissent et s’épanouissent à une nouvelle lumière, je n’ai pu m’empêcher d’entamer un entretien puisqu’est digne de reproche celui qui, placé dans le voisinage, n’a pas voulu être le premier à commencer. 3. Sur ce point donc, voulant éviter un dommage à ma modestie, je ne refuse pas de passer pour téméraire, pourvu seulement que je montre que j’ai gagné l’affection d’un être parfait. J’ai chargé un porteur venu très à propos du fardeau d’une lettre malhabile 1639 : j’ai commis cette faute à cause de l’affection qui permet au pécheur d’obtenir et le pardon et la sympathie. 4. En m’acquittant du devoir de mes plus vives salutations, je vous demande donc, si vous me portez en votre cœur, de me le montrer par l’envoi de votre très riche entretien parce que si vous êtes capable de parler abondamment de l’amour, en revanche vous ne savez tromper quelqu’un par le fard caressant des mots 1640 .
Cette épître est-elle la troisième lettre adressée à Olybrius après l’epist. 1, 9 et 1, 25 ? Les expressions primus incipere (l. 12), uerborum potui negare commercium (l. 11), opinionem temerarii (l. 13) semblent indiquer au contraire que l’epist. 2, 4 est la première épître d’Ennode à Olybrius. Dans cette hypothèse, ou bien les epist. 1, 9 et 1, 25 sont postérieures à l’epist. 2, 4 ou bien leur destinataire, Olybrius, le frère d’Eugenes, ne peut pas être identifié avec le destinataire de l’epist. 2, 4, qui exerce une « très noble fonction » et qui est probablement le préfet du prétoire de l’epist. 2, 13. Notons que le ton professoral de l’epist. 1, 9 et de l’epist. 1, 25 contraste avec le ton révérencieux des épîtres adressées au préfet du prétoire qualifié de perfectus (epist. 2, 4 ; 2, 9 et 2, 13).
Le lien entre sagesse et amicitia est au cœur du De amicitia de Cicéron (Lael. 27) : uos autem hortor, ut ita uirtutem locetis, sine qua amicitia esse non potest, ut, ea excepta, nihil amicitia praestabilius putetis ; « Mais vous, je vous exhorte à mettre en si haute estime la vertu sans laquelle l’amitié est impossible, que, elle seule exceptée, vous ne mettiez rien au-dessus de l’amitié » (trad. R. CombÈs). Mais Ennode insiste sur le thème de la faute ou de la récompense (praemium, supplicium, culpa) donnant une dimension chrétienne à l’amitié.
Le verbe maritare contient une métaphore agraire – le bouturage – qu’Ennode emploie dans une autre lettre à Olybrius pour évoquer leur relation (epist. 1, 9, 5 : quotiens inter nouos concordiae nexus, udo, ut ita dixerim, animorum libro, caespitibus ualidis fetura nobilis iuncta maritatur ; voir p. 324, note 2 sur le sens de maritare).
La métaphore rustique de la fertilité est récurrente, chez Ennode, pour qualifier la richesse de l’amitié (epist. 1, 3 à Faustus ; epist. 1, 10 à Jean ; etc.). Dans l’epist. 1, 10, le locuples possessor s’oppose à l’auarus agricola.
Tanquam de bonae arboris reditu : « comme si <je cueillais des fruits> de la production d’un bon arbre ».
Notre traduction « à l’affût de » tente de reproduire la métaphore de la chasse contenue dans l’expression in aucupio discessionis qui mêle habilement un mot concret à un autre abstrait.
Olybrius est probablement préfet du prétoire (voir epist. 2, 13, p. 386, note 7).
L’expression de la modestie est un lieu commun de la rhétorique et du style épistolaire (voir Cic. inu., 1, 16, 22 ; Quint. inst. 4, 1, 8). Ennode fait preuve d’une humilité toute particulière lorsqu’il s’adresse à des maîtres d’éloquence, en particulier à Olybrius (epist. 2, 9 et 2, 13) et à Firminus auxquels il oppose son maigre talent (epist. 1, 8 ; 2, 7 : mei macies, arentis ingenii guttis, etc). Il joue parfois avec ce lieu commun dans certaines épîtres où l’humilité est empreinte d’ironie (epist. 2, 6 à Pomerius ; epist. 2, 28 à Avienus).
Cette exigence de sincérité n’exclut pas la nécessité d’un travail stylistique. C’est le thème de la « simplicité savante » (simplex cultus) qui constitue l’idéal épistolaire d’Ennode (voir epist. 2, 13 à Olybrius).