8. – Ennode à Apollinaire

Première lettre à Apollinaire 1701 , fils de Sidoine et parent d’Ennode : ce billet d’amitié n’a d’autre fonction que d’entretenir des relations avec ce jeune parent qui vit en Gaule. Ennode manifeste sa joie de recevoir des lettres et d’en écrire à son tour. À la nécessaire réciprocité de l’échange s’ajoutent des considérations sur les mauvaises conditions de transmission du courrier entre la Gaule et l’Italie : les épîtres s’égarent !

1. Conformément à nos vœux, les besoins d’autrui militent en faveur de nos propres désirs quand c’est pour notre bonheur que nous montrons de l’obéissance pour les prières de certains. Qui ne serait pas prêt à mettre le prix pour s’offrir ce qu’il procure à autrui en cette occasion ? Maintenant, les porteurs des présentes me doivent ce que je devais et non seulement ils ne me traînent pas en justice pour que je m’en acquitte mais ils se reconnaissent redevables 1702 . Ce n’est pas à cause de mon incurie si mes lettres <vous> sont rarement remises 1703  : il arrive souvent, à ce que je viens juste d’apprendre, que des richesses semblables s’égarent 1704 . 2. Que les porteurs trouvent donc le fruit de ce bienfait, si vous m’aimez ; car de même qu’ils ont obtenu de moi des lettres à porter, de même ils font parvenir jusqu’à vous ce que vous attendez, je crois, d’un échange épistolaire. Mon cher Seigneur, vous rendant les devoirs de mes salutations, je prie Dieu que cette lettre vous trouve en bonne santé et que vous renvoyiez sur le champ une missive pour vous enquérir de ma bonne santé 1705 et m’informer de la vôtre 1706 .

Notes
1701.

Apollinaire : probablement le fils de Sidoine Apollinaire et donc, à ce titre, parent d’Ennode. Ennode lui adressa trois lettres, les epist. 2, 8 ; 3, 13 ; 4, 19 dans lesquelles il le qualifie successivement de domine mi, magnitudo uestra, frater (voir PLRE, « Apollinaris 3 », p. 114 et « Apollinaris 4 », p. 115).

1702.

Cette formulation alambiquée insiste sur la réciprocité de l’échange épistolaire. Recevoir une lettre impose d’en écrire une en retour. La uicissitudo est la première règle – officium – des correspondances !

1703.

Prorogare n’a pas ici le sens classique de « prolonger » ; il signifie « remettre », « envoyer » une lettre (voir aussi epist. 1, 14 ; 1, 22).

1704.

Sur la difficultés de la transmission du courrier, voir D. Gorce, Les voyages, l’hospitalité et le port des lettres dans le monde chrétien des IV e et V e siècles, 1925.

1705.

Donner des nouvelles de sa santé et s’enquérir de celle de son correspondant constituent en apparence, aux yeux d’Ennode, le principal objet de l’échange épistolaire (voir epist. 2, 13 à Olybrius : Ennode définit l’auteur d’une lettre comme « celui qui donne des nouvelles de sa santé et se préoccupe de celle d’autrui » ; le thème de la santé est récurrent dans les épîtres : voir 1, 19 à Deuterius ; 1, 20 à Faustus ; 1, 21 à Faustus ; etc.). Il ne faut donc pas nécessairement interpréter la fin de cette lettre comme une allusion à la mauvaise santé d’Ennode.

1706.

Notons que l’expression nuntiet sospitatem apparaît également dans l’épître précédente (l’epist. 2, 7 à Firminus). Ces deux lettres ont d’autres points communs : elles sont adressées à des correspondants qui se trouvent en Gaule, elles contiennent des considérations sur les difficiles conditions de transmission du courrier entre la Gaule et l’Italie et elles sont envoyées respectivement à un ancien correspondant de Sidoine Apollinaire et au fils de ce dernier. Elles ont probablement été écrites en même temps. L’ordre des lettres est, à cet égard, particulièrement intéressant : en effet, les quatre épîtres successives (2, 5 à Laconius ; 2, 6 à Pomerius ; 2, 7 à Firminus et 2, 8 à Apollinaire) sont toutes adressées à des correspondants qui se trouvent en Gaule. Faut-il en conclure qu’elles ont été rédigées à la suite et apportées en Gaule en même temps ? Si cette hypothèse n’est pas exclue, l’epist. 2, 6 à Pomerius qui paraît avoir été écrite ultérieurement nous incite plutôt à croire que ces quatre épîtres ont été regroupées a posteriori parce qu’elles étaient toutes envoyées en Gaule et qu’elles contenaient des thèmes ou des formulations identiques.