9. – Ennode à Olybrius

Quatrième lettre à Olybrius, ami d’Ennode, brillant orateur et homme politique  : le plaisir de recevoir des lettres attise le désir des correspondances. Ennode a été très heureux de recevoir – enfin ! – une épître d’Olybrius. Mais que celui-ci écrive encore et qu’il cesse de trouver sa propre rhétorique maladroite !

1. Voici à peine qu’enfin les vœux que j’ai conçus depuis longtemps se sont réalisés selon mes désirs 1708 , si bien que la soif que j’avais conçue de l’ardeur de vos lettres a été étanchée par le flot de votre riche éloquence et que les bouillonnements d’impatience, qu’une longue attente avait redoublés, ont été apaisés par les flots 1709 de vos paroles qui posent des sourires sur mes lèvres. Mais pourquoi prétendre que je suis parvenu au comble de mes vœux quand cette satisfaction suscite en moi un désir plus grand, l’eau vive de vos écrits enflammant mon cœur ? 2. Je vois clairement combien la réalité échappe à l’esprit humain qui, lorsqu’il prend conscience du prix de sa propre recherche, a coutume d’aimer davantage ce à quoi il tarde à parvenir et à qui, lorsqu’abonde dans le moment présent de quoi le réjouir, il reste davantage à rechercher. Maintenant, je l’avoue, à me juger moi-même, j’ai redouté dans vos lettres une prudence superflue quand, les succès portant vers le large les voiles de votre éloquence et tous les vents vous étant favorables, vous dites que les rames manquent à vos entretiens 1710 . 3. Elle n’est pas légitime – parce qu’elle est éloignée de l’amour de la vérité – la crainte que dépeignent vos paroles. On a besoin de rames chaque fois qu’aucun souffle de vent n’aide, par son impulsion, à pousser les navires mais il n’en a pas besoin celui dont la navigation est rendue 1711 facile par le concours favorable des vents. Le soleil n’est pas aidé par les torches et des pléiades d’étoiles mineures n’ont jamais ajouté du lustre à la clarté du globe lunaire 1712 . 4. Mon cher Seigneur, en vous rendant, comme je l’ai fait antérieurement 1713 , l’hommage de mes salutations 1714 , je forme la prière de ne pas être privé, auprès de votre Grandeur, du fruit de mes efforts, une fois que je vous ai révélé 1715 ce que je désirais : que 1716 vous compensiez l’activité épistolaire que vous avez différée jusqu’ici par la fréquence et la richesse 1717 de vos écrits.

Notes
1708.

Comme dans l’épître précédente (Pro uoto militant desideriis propriis…), Ennode insiste sur le désir de l’échange épistolaire qui exprime à la fois l’appétit et le manque des correspondances : cupita sunt ; ex sententia ; uotorum ; desiderium ; ambitio ; requirat ; deuota ; cuperem.

1709.

Ardor, aestus, fluenta, restringerent filent la métaphore des flammes et du bouillonnement que l’eau finit par éteindre. Mais l’expression flumine ardescit fait allusion à une nouvelle flamme. Ennode joue, dans ce passage, sur le thème de l’eau et du feu : l’eau est censée éteindre le feu mais le flot de l’éloquence d’Olybrius enflamme à son tour le cœur d’Ennode.

1710.

Ennode file une nouvelle fois la métaphore traditionnelle de l’eau (sitim ; unda ; fluenta ; flumine ; liquido ; in altum), de la navigation (uela ; remigium ; remis ; puppes ; navigationem) et des vents favorables (spirat ; flaminum ; conspiratio ) pour représenter l’éloquence (voir epist. 1, 1 ; 2, 7 ; 2, 13 ; etc.).

1711.

Le parfait fecit n’exprime pas ici un temps du passé mais une vérité universelle. Il est « utilisé à la manière de l’aoriste gnomique en grec, pour constater une vérité d’expérience, en dehors de toute considération temporelle. Ce tour est attesté dès Plaute » (voir Ernout-Thomas, p. 224).

1712.

Sur cette expression proverbiale, voir Otto, p. 327 et epist. 2, 7 note 10. Notons que le soleil, la lune, les étoiles et les astres en général reviennent souvent dans la Correspondance : voir epist. 1, 18 : cujus soli nutrita simbus metalla plus rutilent ; epist. 2, 7 : quasi lychnis contra solis radios ; epist. 1, 13 : inter curiae sidera ; epist. 2, 15 : aetherei sideris ; etc. (voir commentaire, chapitre 7, p. 194-201). Ennode emploie la même image dans l’epist. 2, 7, 3 à Firminus, dans l’epist. 2, 9, 3 à Olybrius, dans l’epist. 2, 22, 1 à Faustus et dans le Libellus pro Synodo.

1713.

L’indication ut supra n’est pas très explicite. À quelle prière antérieure Ennode fait-il allusion ? Celle de l’epist. 2, 4 au même Olybrius ? L’expression finale (ut scriptionis operam […] styli frequentia uel ubertate pensetis) peut être rapprochée de la fin de l’epist. 2, 4 (ut […] de uberrimi ostendatis directione colloquii).

1714.

Mot à mot : « l’hommage de celui qui est salué ».

1715.

Pour dissiper l’impression de superficialité et de formalisme qui se dégage du code épistolaire, Ennode présente souvent l’épître comme une relation de sincérité. Si une telle déclaration est un lieu commun du genre épistolaire, elle peut aussi se justifier par le devoir de sa fonction religieuse (voir epist. 1, 20 à Faustus : dico integre et uocem quam proposito debeo nulla mendacii nube concludo ; « Je parle le cœur pur et nul mensonge ne dissimule la parole que je dois à ma vocation »).

1716.

Vt développe studiorum meorum fructu… quid cuperem.

1717.

Le concept stylistique de l’ubertas est récurrent dans la Correspondance. Il définit un idéal de densité et de richesse du style (voir commentaire, chapitre 8, p. 215-216).