11. – Ennode à Faustus

Douzième 1736 lettre à Faustus. Réponse à une lettre de Faustus qui reprochait à Ennode d’avoir gardé le texte de la déclamation d’Avienus ou peut-être de l’avoir diffusé. Mais que Faustus se rassure et qu’il daigne écouter l’explication d’Ennode ! Il a bien rendu le texte de la mémorable déclamation comme le lui demandait son auteur. Avienus lui a même adressé quelques pages qu’il lui renverra tout prochainement sans les donner à personne.

1. Que dois-je faire quand vous, vous écrivez ce que doit contenir ma réponse 1737 et que, grâce au don de prescience que vous avez reçu de la faveur céleste, vous exposez tout ce qu’aurait pu chercher à la trace le cœur d’autrui ? Il est, c’est évident, surhumain de remplir ainsi le rôle de deux personnes à la fois. Mais il faut rapporter ces prouesses à Celui qui les a permises. Quant à moi néanmoins, je n’ai pas promis de renvoyer le discours qui repoussera dans l’ombre l’antique Tullius 1738 , étant donné que j’avais rendu le cahier que j’avais reçu, avec un célérité plus grande qu’il n’était approprié à mon naturel 1739 . Par souci de loyauté, j’ai négligé ce qui pouvait m’être profitable. 2. Je n’avais alors rien gardé de cette déclamation vénérable sinon ce que ma mémoire voleuse en avait soustrait – pour le profit, à ce que je crois, de sa bonne réputation – à celui qui en demandait la restitution. Je refuse de dire quelle sorte d’extraits j’ai restitués malgré moi et quelle sorte d’extraits j’ai aimés, pour que vous n’alliez pas croire, évidemment, que vous, vous aviez dit à l’avance ce qui serait allégué par la suite sans se donner de peine 1740 . 3. Toutefois, la compassion déjà prouvée du Seigneur Avienus, lumière sereine, qui n’en est pourtant qu’à ses débuts, vient au secours de mes inquiétudes sur ce sujet : il m’a adressé certaines pages qu’il aurait pu garder pour lui-même, véritable pourpre de noblesse 1741 pour moi. 4. Je l’ai conservée jusqu’à présent et j’en ai tiré éloquence et sagesse. Mais depuis que j’ai reçu l’ordre de renoncer même aux bienfaits d’autrui, je l’enverrai par le prochain porteur, sans trouver en moi, pour mes péchés, la bienveillance qui ferait qu’en bon croyant je ne refuserais pas ce qui pourrait renforcer le talent des autres, si je savais, ce qui est contraire à ma vocation, me mêler aux hommes avec précaution. Mais je dis la vérité, j’en atteste Celui qui connaît tout : vos fameuses déclamations que célèbre le monde entier, pas même 1742 les tortures ne me forcent à les donner à quiconque – ce qui, je crois, est dû à mon manque de savoir 1743 . 5. Mon cher Seigneur, en présentant mes salutations à votre Révérence, j’atteste que ni la négligence ne porte atteinte à mon jugement ni la flatterie à mon affection.

Notes
1736.

Les epist. 2, 10 et 2, 11 sont adressées au même destinataire et elles sont complémentaires. La première célèbre les qualités oratoires du fils de Faustus à l’occasion d’une déclamation d’Avienus ; la seconde affirme avoir rendu le texte de cette déclamation à son auteur comme celui-ci l’avait demandé. Le rapport entre les deux épîtres se traduit par la reprise de thèmes ou d’expressions semblables : par ex. uerum dico teste diuina clementia (epist. 2, 10, 3) / uerum dico illo teste (epist. 2, 11, 4).

1737.

Cette expression (rescribenda uos scribitis) montre qu’il s’agit bien d’une réponse. La Correspondance d’Ennode rassemble, au moins pour l’essentiel, de véritables échanges épistolaires.

1738.

La force de la comparaison (avec Cicéron lui-même !) a le mérite d’être très explicite : l’objectif ne consiste pas à égaler la latinité dans toute sa grandeur mais à la dépasser !

1739.

Ennode semble dire qu’il a rendu le cahier trop vite pour en tirer bénéfice.

1740.

Cette expression signifie littéralement « sans dépense de soi ». Mais une autre interprétation est possible : « sans perte des explications à venir », c’est-à-dire « sans que rien n’y manque », « sans en rien perdre ».

1741.

Ennode présente le texte d’un discours d’Avienus qu’il a pu conserver comme un titre de noblesse. L’ostrum nobilitatis est, sous l’Empire, une étoffe de pourpre qui marque la noblesse puisque l’ostrum marque à lui seul une condition élevée (voir Verg. georg. 3, 17 : Illi uictor ego et Tyrio conspectus in ostro, « en son honneur je ferai, victorieux et bien vue sous la pourpre tyrienne… », trad. E. de Saint-Denis ; Stat. silu. 4, 1, 21 : hos umeros multo sinus ambiat ostro, « que tes épaules s’enveloppent bien des fois des plis de la robe prétexte », trad. H. J. Izaac). Ici, le morceau de pourpre, le signe de la noblesse, c’est le texte, ce morceau de bravoure oratoire qui incarne, même après 476, le pouvoir de la noblesse romaine.

1742.

Nec : ne… quidem

1743.

Ce passage est relativement obscur : Ennode veut dire ou bien que s’il communique ces dictiones à autrui, on verra tout ce qu’il lui doit et il sera convaincu d’ignorance, ou bien qu’il veut les garder par devers lui pour qu’elles lui servent de modèles.