Treizième lettre à Faustus. Lettre de recommandation en faveur du uir sublimis Pamfronius 1804 . Ennode cherche à introduire celui-ci à la cour de Ravenne où Faustus exerçait une fonction éminente.
1. Certes, il eût été égal, puisque le sublime Pamfronius se rend auprès de vous 1805 , que la fonction de la lettre 1806 fût remplie par un entretien de vive voix et que ce noble Seigneur ne fût pas chargé d’un fardeau épistolaire, car il a eu l’occasion de connaître moins mes paroles que mes sentiments. Mais s’agissant de telles obligations, je m’en remets à ses ordres. Lui qui scrute les secrets du cœur, il réclame le soutien d’une lettre et, pour cette raison, afin qu’il ne lui arrive pas d’être privé de notre dévouement 1807 , je lui ai accordé cet écrit qui, même s’il n’est pas nécessaire à sa recommandation, est du moins conforme à ses volontés. 2. En effet, quels propos doivent escorter celui à qui il est permis de tout espérer de la faveur de votre Grandeur ? Ainsi il adviendra que les propos de celui qui adresse la prière soient inférieurs aux mérites de celui qui la porte. Car quelle aide peut-on apporter à un homme dont le mérite dépasse tout ce qu’on peut demander pour lui ? Cette lettre est donc jointe pour exercer mon stylet, pas pour rendre service au voyageur. Mon cœur se réjouit de se souvenir de vous en toute occasion bien que je n’apporte rien par mon écrit à celui que j’ai nommé. 3. Voici pourtant que je joins, parce que j’en ai reçu l’ordre, les paroles de recommandation 1808 qu’on accorde à des étrangers. Quant à vous, apportez un soutien particulier à celui qui le demande, en renforçant sa confiance par votre estime. Qu’il trouve tout ce qu’il prévoit en espérance afin que, puisqu’il 1809 est un juge parcimonieux de ses propres mérites, il rapporte à mon talent tout ce qu’il aura obtenu. 4. Vous exprimant l’hommage de mes salutations, je vous supplie de penser à me réconforter par des messages fréquents car, au milieu des fardeaux du chagrin 1810 , je ne peux avoir d’autres secours que les consolations de votre bouche.
Pamfronius : correspondant d’Ennode (epist. 5, 16 et epist. 9, 13), il est issu d’une famille noble ( generi et moribus tuis apex ). Pamfronius a insisté pour obtenir d’Ennode les lettres de recommandation qu’il apporte lui-même à la cour de Ravenne (epist. 2, 16 et epist. 4, 14). Peu de temps après, Ennode laisse entendre dans une lettre à Agapit que Pamfronius est sur le point de devenir vicaire (epist. 4, 16 : cui aliqua de uicariae dignitate suggeranda commisi ). En 508, Pamfronius adresse une correspondance à Ennode à la grande satisfaction de ce dernier (epist. 7, 2 : illustris uiri domni Pamfronii relatione contentus ). Il obtint une charge importante à la cour de Ravenne ( magnitudo tua, vir sublimis et magnificus ) : voir PLRE , « Pamfronius », p. 825.
Pamfronius est à la fois le porteur et le bénéficiaire de la lettre de recommandation. Dans cette épître, l’importance donnée à la représentation de l’échange épistolaire rappelle que la relation est plus importante que le contenu de l’échange. Peu importe, aux yeux d’Ennode, si le contenu est superflu (non necessaria). Ce qui compte le plus, c’est d’envoyer et de recevoir la lettre, autrement dit d’établir ou d’entretenir les liens entre les personnes.
Cette épître témoigne d’une grande diversité lexicale pour désigner l’échange épistolaire, illustrant ainsi la virtuosité stylistique d’Ennode : pagina, epistularis fascis, scripta, sermones, uerba, stili exercitium, scriptio, dicta, adfatus.
Voir Symm. epist. 2, 67 à son « frère » Flavien : …ut ei aliquid opis conferam ; « …pour lui apporter quelque secours » (trad. J.-P. Callu). Par certaines expressions, par sa structure et surtout par son thème, la lettre de Symmaque recommandant son ami Léonce peut être rapprochée de cette épître d’Ennode.
Les dicta insinuationis sont des paroles destinées à introduire quelqu’un dans un cercle de sociabilité. Ennode dessine ainsi la configuration d’un véritable cénacle autour de Faustus à Ravenne, un cercle où se retrouvaient des figures importantes appartenant aux élites politiques et religieuses. L’epist. 9, 13 à Pamfronius suggère que le fils de Faustus, Avienus, et le patrice Liberius fréquentaient également ce cercle puisqu’Ennode demande à Pamfronius « de transmettre sur le champ [ses] écrits au Seigneur Avienus et au Seigneur Liberius (…) et de [lui] faire savoir rapidement quelle réponse ils [lui] auront faite ». La salutation finale de l’epist. 7, 28 au prêtre Adeodatus cite aussi les noms de plusieurs personnalités qui se retrouvaient peut-être dans le même cercle : Stefania, Sabiana, Fadilla, Hormisdas, Adeodatus.
Si a ici le sens de « s’il est vrai que », « puisque », comme siquidem.
Cette expression est caractéristique du style épistolaire : parce que l’épître ne dit rien des tourments d’Ennode, cette rapide allusion suppose une explication plus détaillée du porteur. Ennode profite de cette lettre pour transmettre une mauvaise nouvelle à Faustus et pour connaître au plus vite l’avis de ce dernier. S’agit-il d’une allusion à quelque maladie ou à une péripétie du schisme laurentien ?