Quinzième lettre à Faustus, questeur du palais à Ravenne : le comte Tancila a prévenu Ennode que l’héritage maternel de son neveu Lupicinus 1867 était convoité par des personnes mal intentionnées parmi lesquelles se trouve un certain Torisa 1868 . Ennode s’empresse d’en informer son ami et parent Faustus qui saura protéger Lupicinus 1869 .
1. Ils ne manquent pas de protection les orphelins 1870 qui ont eu la chance de dépendre de vous : ils ne sont pas privés de secours paternel ceux que vous entourez de vos soins. Je veux parler de Lupicinus, le fils de notre chère Euprepia. Son cas illustre parfaitement cette généralité préliminaire 1871 . Concernant sa fortune, cet homme sublime, le comte Tancila qui vous vénère, m’a fait savoir qu’il serait difficile d’obtenir de notre Seigneur le Roi qu’elle lui soit restituée. 2. Car il affirme que toutes les maigres ressources de sa mère lui ont été disputées par Torisa ou par d’autres. Je n’avais pas d’autre aide à fournir à cet infortuné pupille sinon de porter la chose à votre connaissance et de m’acquitter du devoir d’un messager véridique. Il vous appartient, avec l’inspiration de Dieu, de prendre les dispositions qui puissent aider ce malheureux. Mon rôle a été de vous donner les informations qui m’ont été communiquées. 3. Ô mon véritable Seigneur, en vous présentant les devoirs de mes salutations, je demande à la clémence divine que l’aide céleste seconde vos efforts.
Cette première apparition du titre diaconus suggère qu’Ennode est devenu diacre vers 502/503. Mais cette précision chronologique doit être interprétée avec prudence dans la mesure où trois lettres seulement portent ce titre (epist. 2, 23 ; 2, 24 ; 2, 25). L’absence d’indication dans les lettres ultérieures, dans une période où Ennode était forcément diacre, laisse supposer qu’Ennode l’était peut-être déjà dans les lettres précédentes.
Lupicinus est le fils d’Euprepia et donc à ce titre le neveu d’Ennode (voir PLRE, « Flavius Licerius Firminus Lupicinus », p. 694). On se souvient de l’epist. 2, 15 dans laquelle Ennode reprochait vertement à sa sœur de négliger les liens du sang en ne donnant aucune nouvelle ni à son frère ni à son fils. Cette lettre confirme qu’Ennode s’était vu confier les intérêts et peut-être l’éducation de son neveu (Sur la famille d’Ennode, voir C. Settipani, Ruricius I er évêque de Limoges et ses relations familiales, 1991, p. 195-222 ; R. W. Mathisen, Resistance and Reconciliation : Majorian and the Gallic Aristocracy after the Fall of Avitus, 1979, p. 597-627 ; voir aussi notre commentaire, chapitre 5, p. 153-159).
Les noms Tancila et Torisa, qui n’apparaissent que dans cette lettre, sont probablement d’origine gothique (voir H. Wolfram, Geschichte der Goten, 1983 ; sur les noms d’origine gothique voir en particulier « Gentile Überlieferungen und ethnographische Bemühungen im Ostgotenreich », p. 244-246).
Ennode s’adresse à Faustus pour régler cette affaire parce que ce dernier est questeur du Palais à la cour de Ravenne. Or, l’une des fonctions du questeur est précisément de « recevoir les suppliques » (voir Delmaire, p. 61). D’autres épîtres à Faustus concernent des affaires judiciaires dans lesquelles Faustus était susceptible d’intervenir (voir epist. 1, 7 et peut-être même epist. 1, 4).
Le choix du verbe orbare pour caractériser la situation de Lupicinus peut surprendre dans la mesure où la mère de celui-ci est toujours vivante. Toutefois, il est vrai qu’Euprepia, à laquelle Ennode écrira jusqu’en 508, se trouve alors en Gaule et qu’Ennode lui reproche de ne pas se préoccuper davantage de son fils (voir epist. 2, 15). En outre, les femmes n’ayant pas la capacité juridique en l’occurrence l’exercice de la tutelle, le verbe orbare signifie seulement que Lupicinus n’a plus son père.
Voir Symm. epist. 2, 91, 1 : ad filium meum (…) pertinet praefata generalitas ; « ces généralités d’introduction trouvent leur application dans le cas de mon fils » (trad. J.-P. Callu).