25. – Ennode Diacre à Faustus Questeur

Dix-septième lettre à Faustus, ami et parent d’Ennode : à peine revenu de Ravenne, Ennode profite d’un ami pressé de s’y rendre pour lui remettre une lettre pour Faustus. Que son ami se rassure ! Malgré l’hiver, Ennode est rentré sain et sauf à Milan. Qu’il prenne donc le plus grand soin du porteur et qu’il lui remette une lettre au plus vite !

1. Par une disposition céleste, il convient que les nouvelles de mon retour ne soient données par nul autre mieux que par un ami pressé de se rendre à Ravenne, dont le récit fidèle eût suffi même en l’absence de lettre. Mais je n’ai pas pu m’abstenir de cet usage, car si je m’en privais par une négligence quelconque, je donnerais 1883 l’impression de condamner l’échange fréquent de courrier que j’ai toujours aimé. À cela s’ajoute que je n’ai pu opposer un refus 1884 à celui dont je viens de parler, lui qui sait en toute assurance exiger de ses amis ce qu’il sait fidèlement leur donner en raison des scrupules de sa conscience. 2. Ainsi donc, ayant quitté Ravenne, où se trouve tout ce qui m’est agréable dans la vie présente, je suis arrivé à Milan en bonne santé, avec l’aide du Christ, tout en supportant mal, au retour, la rapidité que, sous la contrainte de l’hiver, j’ai souhaitée peut-être à contrecœur 1885 . Mais tout doit être rapporté à Dieu à qui revient d’ordonner les actions des hommes et de substituer au souci du corps la saveur de l’amour éternel.

3. J’en viens à présent à l’objet de ma lettre, après vous avoir humblement salué, et à la recommandation du porteur qui, s’il venait à rendre grâce de bienfaits à la mesure de la sérénité de votre cœur, apprendrait 1886 ainsi qu’il a reçu en retour ce qu’il a lui-même apporté aux vôtres 1887 et 1888 de quelle manière on doit être incité à aimer. Et même s’il refuse, forcez-le à revenir rapidement parce que sa présence est nécessaire à mon affection 1889 et que, si Dieu en a fait la promesse, il faut s’attendre, puisque c’est le commandement de Dieu lui-même, à ce qu’elle soit conforme à son 1890 intérêt.

Notes
1883.

Videor : chez les auteurs classiques, on rencontre parfois l’indicatif dans les propositions qui expriment une idée de possibilité ou d’obligation (possum, debeo, licet…). Cet emploi de « l’indicatif conditionnel est beaucoup plus large » dans le latin tardif (voir Dubois, p. 434). Dans notre exemple, l’indicatif uideor remplace un potentiel et se traduit, en français, par un conditionnel présent avec un sens futur.

1884.

Mot à mot : « opposer mes mains en signe de refus ».

1885.

La difficulté des conditions de voyage est soulignée plusieurs fois dans la Correspondance (voir epist. 2, 3 à Speciosa : le voyage d’Ennode entre Milan et Pavie ; epist. 2, 15 à Euprepia : le voyage d’Euprepia dans le royaume wisigothique). Elle correspond aux difficultés réelles que rencontraient les voyageurs dans l’Antiquité, confrontés à l’insécurité et à la médiocrité des conditions de transport. Ainsi Jean Chrysostome écrit-il dans une de ses épîtres que voyager est pour lui « plus pénible que mille exils » (voir epist. ad Olymp. 13, 103). L’évocation de ces difficultés est devenue un lieu commun des récits de voyage dont on trouve de nombreuses illustrations, par exemple, chez Augustin (voir O. Perler, Les Voyages de saint Augustin, Paris, Études Augustiniennes, 1969, p. 45-56 ; voir aussi epist. 2, 3, 3, p. 367).

1886.

La forme agnoscit, à la place d’agnoscat, est probablement un nouvel emploi de l’indicatif conditionnel (voir note 1). Cet emploi oratoire de l’indicatif donne ici à la pensée une vivacité et une force particulières (voir Goelzer,Avit p. 43).

1887.

Il peut s’agir des bienfaits ou bien des amis.

1888.

Aut… aut… est égal à et… et… (voir epist. 2, 26 : Aut alitur aut sustentatur scriptione diligentia).

1889.

La représentation du porteur occupe une place importance dans cette épître apparemment superficielle. Ennode se livre à un jeu littéraire qui lui permet d’insister sur la nécessité d’une réponse rapide (voir notre commentaire, chapitre 3, p. 119-120).

1890.

Il s’agit de l’intérêt de l’ami commun (le porteur de l’épître) et, partant, de la relation épistolaire elle-même.