2.3.1 Marques de croissance dans le cément dentaire

2.3.1.1 Nature histologique du cément et cémentogenèse

Les connaissances récentes sur l’histologie du cément dentaire sont des informations capitales pour l’interprétation des échantillons modernes et archéologiques.

Le cément est une forme particulière de tissu conjonctif calcifié qui partage avec l’os de nombreuses caractéristiques physiques, chimiques, et structurales. Il est moins minéralisé que la dentine et l’émail qui sont les composants majoritaires de la dent 37  : environ 60 % de son poids est constitué de collagène, 40 % d’hydroxyapatite, plus un certain nombre de protéines non-collagènes (Boyde et Jones, 1972). Sa distribution est variable mais il est normalement présent sur les racines dentaires de tous les mammifères (Fig. 2.42 et 2.43). Chez les herbivores, il peut s’étendre aussi à la surface de l’émail, au-dessus du collet, surtout chez les espèces hypsodontes (Jones et Boyde, 1974 ; Burke, 1993).

La fonction première du cément est d’ancrer la dent dans son alvéole osseuse et de la maintenir en position active (Schmidt et Keil, 1972). Sur la hauteur supérieure des racines, près du collet, il participe avec le tissu conjonctif desmodontique (appelé ligament parodontal) à réduire les mouvements de la dent dans le sens vestibulo-lingual et mésio-distal ; dans la partie inférieure, il servirait à remplir les espaces vides générés lors de la poussée verticale de la dent (Lieberman et Meadow, 1992). Son rôle secondaire est de réparer les lésions éventuelles au niveau des racines (Lindskog et al., 1987).

C’est une couche de cellules spécialisées, les cémentoblastes, adjacente au ligament parodontal, qui fabrique le cément de façon continue pendant toute la durée de vie de la dent (Fig. 2.44). Plus précisément, les cémentoblastes produisent du collagène « intrinsèque » dans et autour des fibres de collagène « extrinsèque », les fibres de Sharpey, qui joignent la dent au ligament parodontal d’où elles sont originaires (à partir des fibroblastes). Dans le même temps, des sels minéraux (essentiellement des cristaux d’hydroxyapatite) sont déposés dans les espaces de la trame fibrillaire, à l’intérieur du collagène (Knox et Aukhill, 1988).

La microstructure du cément est principalement influencée par l’orientation des faisceaux de fibres de Sharpey. Ces fibres sont parallèles entre elles et disposées selon un angle oblique par rapport à l’axe principal de la dent, dans la direction des plus grandes forces de tension générées durant l’occlusion. Le collagène « intrinsèque » s’aligne perpendiculairement à ces mêmes fibres. Le tout forme un arrangement en « contre-plaqué », similaire en cela à d’autres tissus calcifiés tels que l’os.

A ce stade de la description histologique, il est très important de distinguer le cément acellulaire (CA) du cément cellulaire (CC) qui résultent de différents processus de développement (Lieberman et Meadow, 1992). En effet, pour le CA, les cémentoblastes restent en surface et la production de cément se fait régulièrement, sur un front quasi rectiligne de minéralisation. Dans le cas du CC, les cémentoblastes sont « emmurés » au fur et à mesure de la fabrication et des lacunes se créent alors au sein des couches de cément (cémentocytes). Par rapport au CA, le CC se dépose plus rapidement et tend aussi à être moins minéralisé (Lindskog et al., 1987). En règle générale, le CA est situé dans la partie supérieure de la racine, là où l’espace desmodontique est le plus étroit, tandis que le CC se dépose en plus grande quantité dans la région apicale et entre les racines (cf. Fig. 2.43). Il n’existe pas de ligne claire de séparation entre ces deux types de cément et l’un peut être pris en sandwich par l’autre. La distinction CA/CC n’est peut-être pas pertinente pour toutes les espèces car chez les mammifères hypsodontes comme le cheval, le cément contient des cémentocytes sur tout son périmètre, jusqu’au sommet de la couronne (Jones et Boyde, 1974 ; Burke, 1993 ; Burke et Castanet, 1995).

La cémentogenèse débute au moment de la désintégration de la gaine épithéliale qui entoure la racine de la dent dans les premiers stades de son développement. Une première couche, appelée cément intermédiaire, se dépose donc avant la sortie complète de la dent (Grue et Jensen, 1979 ; Grevstad et Selvig, 1985 ; Pike-Tay, 1991, 1995). D’épaisseur variable et de nature hyperminéralisée, elle se fixe sur la surface de la dentine apprêtée à cet effet, la couche granuleuse de Tomes 38 .

Notes
37.

L’os contient 71 % environ de substance inorganique et l’émail plus de 96 %.

38.

Chez les équidés et d’autres mammifères hypsodontes, le cément se dépose aussi sur la couronne de la dent. Le support est dans ce cas une surface résorbée de l’émail (Jones et Boyde, 1974).