2.3.1.3 Terminologie

Depuis les premiers travaux de la zoologie jusqu’aux plus récentes études archéologiques, une profusion de termes, parfois contradictoires entre les auteurs, a été utilisée pour désigner les différentes couches de cément observées. G. A. Klevezal’ et C. E. Kleinenberg (1969) ont montré que les fréquentes confusions terminologiques faites jusqu’alors étaient en grande partie dues à la diversité des préparations des échantillons et des modes d’examen microscopique, techniques qui n’ont pas toujours été précisées dans les travaux publiés.

La plupart des termes spécifiques aux couches de cément ont été proposés par des anglophones (Grue et Jensen, 1979 ; Stallibrass, 1982 ; Pike-Tay, 1991, 1995 ; Gordon, 1993 ; Lieberman, 1993a, 1994). De leur côté, en dépit des traditions déjà existantes, des biologistes français (Baglinière et al., 1992b ; Castanet et al., 1993) ont établi une terminologie commune aux diverses disciplines de la sclérochronologie 39 . Tous les auteurs s’accordent néanmoins sur la définition première des marques ou couches de croissance (increments, incremental structures, growth layers, growth bands, en anglais) : « expression générale désignant l’ensemble des marques histomorphologiques formées dans les tissus durs en cours de croissance, quelles que soient leur structure ou leur signification fonctionnelle » (Baglinière et al., 1992b, p. 444).

En ce qui concerne les différentes catégories de marques de croissance, le vocabulaire est variable selon que l’on considère leur mode de dépôt ou leurs propriétés optiques. Ainsi, les couches les plus larges correspondent à des « couches ou zones de croissance rapide » (ibid.). Les couches plus étroites, celles qui révèlent le mieux les discontinuités dans l’accrétion générale du tissu osseux ou du cément, correspondent à une période de croissance ralentie. Elles sont appelées « annuli » ou « bandes hivernales » (« winter » bands). Dans le périoste, des couches encore plus fines et hyperminéralisées, qui semblent n’être qu’une ligne de contact entre zones de croissance rapide – les « lignes d’adhésion » de G. A. Klevezal’ et S. E. Kleinenberg (1969) –, ont été désignées comme des « lignes d’arrêt de croissance » (LAC, ou arrested growth lines, LAGs). Cette expression est utilisée pour le cément par quelques auteurs (Quéré et Pascal, 1983 ; Burke, 1993 ; Burke et Castanet, 1995 ; Burke et Pike-Tay, 1997). Du point de vue de l’observation microscopique, la distinction entre LAC et annulus ne semble en fait reposer que sur leur épaisseur relative. L’expression « ligne de repos » (rest line) est quelquefois employée, soit dans le sens d’un annulus (Lieberman et al., 1990 ; Lieberman, 1991, 1994 ; Griggo et Pubert, 1999), soit dans le sens d’une LAC (Baglinière et al., 1992b).

En outre, d’autres lignes plus discrètes sont quelquefois présentes dans le cément. Selon les auteurs, ces marques supplémentaires sont nommées « faux » annuli (e.g. Lockard, 1972 ; Lieberman et al., 1990 ; Pike-Tay ; 1991), « lignes accessoires » (Beasley et al., 1992), « lignes secondaires » ou « lignes de résorption » (Grue et Jensen, 1979). Sous l’expression « lignes de rut », ou « lignes de lactation », certaines d’entre elles ont été rapportées à des événements biologiques particuliers (Laws, 1952 ; Mitchell J., 1963 ; Reimers et Nordby, 1968).

Les propriétés optiques permettent également de différencier les couches sur des caractères purement descriptifs et c’est à ce niveau que se situent la majorité des problèmes terminologiques rencontrés. Normalement, « un corps opaque apparaît clair (blanc) observé sous lumière naturelle réfléchie sur fond noir et sombre (noir) sous lumière transmise », et inversement pour un corps translucide (Baglinière et al., 1992b, p. 444). En squelettochronologie, les zones de croissance rapide (ZC) sont ainsi qualifiées d’opaques et les annuli de translucides (op. cit.). Sous lumière transmise naturelle, suivant ce principe, les annuli apparaîtraient normalement sous forme de fines bandes claires. C’est comme cela que les ont observés sur des lames pétrographiques A. Saxon et C. Higham (1969) ainsi que J. Savelle et O. W. Beattie (1983), mais cette attribution a été contestée par J. P. Coy et ses collaborateurs (1982). D’après notre propre expérience, le phénomène d’alternance est peu marqué sous cet éclairage et la superposition de deux images d’un même secteur, l’une prise sous lumière polarisée, l’autre non polarisée, donne des correspondances parfois contradictoires. Quoi qu’il en soit, il est certain que sous lumière transmise polarisée, les couches les plus larges du cément apparaissent claires et les couches étroites foncées, ce qui explique sans doute pourquoi certains archéologues les ont définies respectivement comme des bandes translucides et opaques (Lieberman, 1991, 1993a, 1993b, 1994, 1998 ; Lieberman et Meadow, 1992 ; Gordon, 1993). Selon nous, pour éviter tout risque de confusion, il est préférable de ne pas employer ces termes mais, à partir du moment où la technique utilisée est précisée, de conserver la distinction entre « clair » et « foncé ».

En résumé, les principales formations du cément sont les suivantes :

Une zone de croissance plus un annulus représente un cycle complet annuel de croissance du cément.

Notes
39.

La « sclérochronologie » désigne la méthode générale d’estimation du temps (en particulier de l’âge) à partir de marques enregistrées et conservées par les tissus durs chez les vertébrés (Baglinière et al., 1992b, p. 443). Elle englobe la squelettochronologie (à partir des éléments squelettiques), la scalimétrie (à partir des écailles chez les Ostéichtyens) et l’otolithométrie (à partir des otolithes).