Il existe diverses techniques pour préparer les sections de dents pour l’observation microscopique. Comme le fait remarquer S. Stallibrass (1982), la règle d’or de toutes les expériences, lorsque la préparation obtenue n’est pas satisfaisante, a toujours été d’essayer une technique sensiblement ou radicalement différente. Cependant, l’emploi de telle ou telle technique est en général lié aux spécificités des disciplines.
La plus utilisée avec les spécimens modernes est la méthode histologique (e.g. Klevezal’ et Kleinenberg, 1969 ; Grue et Jensen, 1979) qui consiste à décalcifier l’échantillon, le découper en fines sections à l’aide d’un microtome à congélation, teinter les sections à l’hématoxyline, et les monter sur une lame de verre. La coloration permet de faire ressortir les contrastes entre les différentes couches de cément car les annuli sont plus chromophiles que les zones de croissance. Les lames minces obtenues peuvent être observées sous lumière transmise ou lumière réfléchie. Cette méthode a récemment été améliorée (Beasley et al., 1992), mais la décalcification demeure une procédure très délicate sans une bonne expérience préalable (Coy et al., 1982). De plus, elle se prête mal aux dents fossiles car le collagène est parfois résiduel et la structure du cément ne tient alors qu’à l’organisation fragile des composants minéraux (Gordon, 1982 ; Beasley et al., 1992). Les tentatives de A. E. Spiess (1976, 1979) sur des dents fossiles de renne provenant de l’Abri Pataud (20-35 000 BP) font figure d’échec classique de cette méthode en archéologie : seulement 10 sections sur 171 avaient donné des résultats positifs. Même pour des spécimens plus récents, la décalcification peut poser des problèmes et la réussite dépend essentiellement du degré d’altération taphonomique du cément. Ainsi, J. P. Coy et ses collaborateurs (1982) ont tenté l’expérience sur des dents de bœufs de l’époque saxonne (du VIIIe au Xe siècle AD) avec 13 échecs sur 87 lames. Des dents de chiens provenant de sites médiévaux du Danemark ont été décalcifiées par H. Grue (1976) pour des préparations histologiques mais sans grand succès non plus. Cette méthode reste donc confinée à l’étude des spécimens actuels.
Une autre technique employée aussi bien sur les dents récentes que sur les dents fossiles et qui évite le recours à la décalcification est la réalisation de surfaces polies (Bourque et Morris, 1978). Elle consiste à obtenir par égrisage une surface plane d’une section de dent (préalablement incluse dans de la résine ou non) pour l’observation sous lumière réfléchie. Les principaux avantages de cette méthode sont la simplicité de sa mise en œuvre et la possibilité de procéder à des polissages supplémentaires pour augmenter les lectures du cément d’un même échantillon. Ces sections peuvent être également destinées à l’analyse au microscope électronique à balayage (Burke, 1993). Toutefois, les marques de croissance y sont généralement moins bien définies, moins contrastées que dans les lames minces histologiques (Quéré et Pascal, 1983), ce qui expliquerait en partie pourquoi les surfaces polies n’ont pas été plus souvent utilisées en cémentochronologie. I. Debeljak (1996) a amélioré cette technique de façon originale en cautérisant les surfaces à l’aide d’un acide léger et en colorant le cément de la même manière que dans les préparations histologiques. Les résultats se sont révélées très satisfaisants sur des dents d’ours de cavernes (Ursus spelaeus) provenant d’un site paléolithique de Slovénie. Il semblerait néanmoins que les surfaces polies s’appliquent mieux à des couches de cément suffisamment larges, comme sur les dents d’ursidés ou de grands bovidés (Bourque et Morris, 1978) ou dans la région située entre les racines (Quéré et Pascal, 1983) 44 . Faute de moyens, nous n’avons pas personnellement vérifié cette hypothèse sur notre matériel, mais c’est une méthode qui mériterait d’être appliquée sur d’autres mammifères, en particulier sur les équidés.
Depuis une vingtaine d’années, la technique de préparation des lames minces dites « pétrographiques » est la plus employée par les archéologues travaillant sur la cémentochronologie (e.g. Gordon, 1982, 1988 ; Savelle et Beattie, 1983 ; Lieberman, 1994 ; Lieberman et al., 1990 ; Pike-Tay, 1991 ; Burke et Castanet, 1995 ; Martin, 1994). C’est la technique que nous avons adoptée dans ce travail, et la procédure suivie est très proche de celle décrite par les auteurs précédents. Toutes les lames minces ont été réalisées au Département des Sciences de la Terre de l’Université Claude Bernard Lyon 1 avec l’aide d’une technicienne spécialisée dans la réalisation des lames pétrographiques de roches dures (Mme Clermont 45 ). Compte tenu de ce matériau particulier 46 , les premières tentatives ont été faites par précaution sur des dents actuelles de moutons et des dents fossiles de gazelles trouvées hors stratigraphie. Les principales étapes de la procédure sont les suivantes :
La méthode s’applique à des lots de 10 à 20 spécimens en moyenne. Les étapes a/b ou c/d peuvent être réalisées dans la même journée. Avec le temps de séchage, il faut compter un minimum de 4 jours entre l’extraction de la dent et la lame mince finale.
Comme cette technique détruit une partie du matériel archéologique, nous avons au préalable recueilli un certain nombre d’informations importantes sur les dents sélectionnées : mesures, degré d’usure de la surface occlusale, remarques sur la conservation apparente, etc. De plus, des photographies ont été systématiquement prises pour chaque mandibule ou dent isolée, en face occlusale, face vestibulaire et face linguale.
Dans ce dernier cas, seul l’âge pourrait être estimé et non la saison de mort.
Nous tenons une fois de plus à remercier Mme Clermont pour sa disponibilité et ses conseils judicieux.
Un stage de courte durée à l’Institut du Quaternaire (Talence), sous la conduite d’E. Pubert (que nous remercions ici), nous a permis d’apprendre les rudiments pratiques de la technique appliquée sur des dents modernes et fossiles.