2.3.3.2 Méthodes d’estimation

L’estimation de la saison d’abattage dépend de l’examen de la dernière couche de cément. Comme le préconisent de nombreux auteurs (e.g. Lieberman et al., 1990 ; Pike-Tay, 1991 ; Monks et Johnston, 1993), nous avons utilisé la largeur de la dernière couche complète du même type comme référence pour estimer la proportion de cément déposée dans la couche la plus externe. Toutefois, comme les zones de croissance (ZC) sont approximativement de même épaisseur dans le cément acellulaire, du moins chez les gazelles, la largeur moyenne peut être employée. Grâce aux outils informatiques, les mesures sont prises soit directement sur l’image, soit sur un profil de luminance. Etant donné la précision relative de ces valeurs, nous distinguons au mieux trois états en fonction du pourcentage de croissance observé dans la couche finale lorsqu’il s’agit d’une ZC : début (de 1 à 33,3 %), milieu (de 33,4 à 66,6 %), et fin (de 66,7 à 100 %) de la période de croissance rapide. Lorsqu’il s’agit d’un annulus, une telle distinction est difficile à appliquer, surtout sur les dents de gazelles où cette bande est particulièrement fine. Aussi, si la dernière ZC est complète, il est nécessaire de contrôler la présence éventuelle d’un annulus final en prenant garde aux effets optiques produits par des éventuels dépôts minéraux ou par l’interface cément/résine. Dans le cas positif, l’estimation correspond à la période de croissance ralentie. Dans le cément des caprinés, où les annuli sont plus larges, il est quelquefois possible de subdiviser cette couche en deux parties et d’améliorer en conséquence l’estimation de la saison de mort. Notons que l’estimation de l’âge et celle de la saison sont indépendantes : un échantillon peut fournir la première mais pas la seconde, et vice versa.

Des procédures de calcul plus élaborées (arithmétiques ou statistiques) ont été utilisées pour les marques de croissance présentes dans d’autres tissus squelettiques (cf. Baglinière et al., 1992a) ou dans les coquilles de mollusques (e.g. Coutts et Higham, 1971 ; Monks et Johnston, 1993). Elles permettent d’obtenir des précisions élevées (au mois près dans certains cas) pour l’estimation de l’âge ou de la saison de mort. Pour ce qui concerne le cément, même si certains auteurs travaillant sur le cerf élaphe ont établi jusqu’à 6 états différents selon la largeur de la couche finale (Pike-Tay, 1991 ; Martin, 1994, 1999), il convient d’être prudent car la recherche dans ce domaine n’en est qu’à un stade préliminaire. De plus, dans les spécimens fossiles, la qualité optique est rarement optimale et la précision se limite seulement parfois à l’identification de la dernière bande (périodes de croissance ralentie ou de croissance rapide).

Compte tenu de l’investissement nécessaire à la préparation des lames minces et des échecs assez fréquents, la cémentochronologie peut difficilement remplacer les méthodes basées sur les critères morphoscopiques pour établir des courbes d’abattage. Ces dernières méthodes ont l’avantage de pouvoir traiter beaucoup plus rapidement un grand nombre de spécimens. Toutefois, comme nous l’avons fait pour les gazelles, l’analyse du cément basée sur de petits échantillons est un moyen judicieux de calibrer la hauteur dentaire, ou toute autre mesure de l’usure dentaire, avec des âges dont l’estimation ne dépend pas de référentiels extérieurs mais de données propres à la population fossile étudiée (e.g. Morris, 1972 ; Coy et al., 1982 ; Stallibrass, 1982 ; Beasley et al., 1992).

Cette estimation est obtenue à partir du nombre de zones de croissance et d’annuli observés dans le cément acellulaire, en partant du principe qu’un cycle de croissance (zone + annulus) correspond à une année écoulée. L’âge moyen d’éruption de la dent en question est ajouté dans le calcul. L’identification du cément intermédiaire – qui doit être exclu du compte – est plus délicate que celle de la couche granuleuse de Tomes (interface dentine/cément), car son épaisseur est variable et son apparence très similaire à celle d’une zone de croissance. Sous lumière transmise polarisée, cette couche est habituellement plus brillante que les suivantes et le premier annulus adjacent est bien marqué, mais ces caractères ne sont pas toujours très nets dans le cément fossile. Ce problème est une source potentielle d’erreur comme tous ceux qui sont liés à la préparation ou à la lecture des échantillons. Selon S. Stallibrass (1982), en considérant les difficultés les plus communes, l’âge « absolu » d’un individu pourrait être estimé à un an près à l’aide de la cémentochronologie.