3.2.2 Etat des connaissances sur l’avifaune actuelle de Syrie

Il suffit de consulter des ouvrages parus récemment sur l’avifaune du Proche-Orient, comme le guide de R. F. Porter et ses collaborateurs (1996), pour reconnaître que la Syrie compte encore aujourd’hui parmi les pays méditerranéens les moins explorés sur le plan de la recherche ornithologique. Les plus anciennes descriptions sur les oiseaux de cette région nous viennent des récits des voyageurs, explorateurs et commerçants européens des siècles passés, bien avant l’émergence de l’ornithologie comme discipline scientifique au XVIIIe siècle. Par la suite, les recherches naturalistes se multiplient dans tout le Proche-Orient, mais il faut tout de même attendre les années soixante pour voir apparaître les premières synthèses sur l’avifaune syrienne. L’une des plus importantes contributions de cet ordre est le travail de H. Kumerloeve (1967-1969) qui confronta l’ensemble des données littéraires existantes avec ses propres observations de terrain. De même, l’ouvrage de F. Hüe et R. D. Etchécopar (1970) qui s’appuye à la fois sur la littérature et sur une dizaine de voyages d’étude entrepris dans le Proche- et le Moyen-Orient entre 1953 et 1965, est une mine de renseignements sur les oiseaux syriens. Depuis, la recherche a progressé en se focalisant sur certaines régions mais la Syrie n’a pas profité de la même attention que d’autres pays voisins comme la Turquie, Israël ou la Jordanie. La mise à jour la plus récente sur le statut et la distribution de l’avifaune syrienne a été effectuée par W. Baumgart (1995), un vétérinaire allemand qui travailla à Damas de 1980 à 1983 et participa par la suite à plusieurs séjours d’observation. Il faut noter également les diverses contributions rassemblées par l’Ornithological Society of the Middle East. 64

Par sa situation géographique au carrefour de trois continents et par la diversité des milieux qui le composent, le Proche-Orient possède une avifaune particulièrement riche. A côté d’un certain nombre d’espèces asiatiques ou africaines, la grande majorité des espèces présentes en Syrie se rencontre également en Europe. Ce pays bénéficie en effet de son contact direct avec le bassin oriental de la Méditerranée et est une région importante de passage et d’hivernage pour de nombreux oiseaux en provenance de tout le Paléarctique occidental. Des flux de migrateurs la traversent deux fois par an, principalement en automne vers l’Afrique et au printemps vers leurs lieux de reproduction. Si leur passage se concentre naturellement sur la région côtière, le long des chaînes montagneuses de l’ouest ainsi que dans les vallées de l’Euphrate et du Tigre, les zones arides ne sont pas pour autant évitées, même parfois par des espèces typiquement aquatiques (Baumgart, op. cit., p. 13). Il faut rappeler aussi que beaucoup d’oiseaux, qui ne sont pas toujours de grands migrateurs, sont forcés en hiver de quitter les hauts plateaux de l’Anatolie où les conditions sont rudes à cette période de l’année, pour venir se réfugier dans les régions plus au sud.

L’avifaune de Syrie présente proportionnellement peu d’espèces nicheuses aujourd’hui (à peine plus de la moitié du total dénombré). Cette situation est due en partie, selon W. Baumgart (op. cit.), à la chasse pratiquée sans contrôle par les hommes, qui n’épargne pas non plus les nombreuses espèces migratrices. Précisons que la chasse n’est pas ici à but simplement privé, pour le loisir et la consommation, mais aussi commercial, pour la taxidermie et la fauconnerie, ce qui affecte avant tout les populations de rapaces qui sont également menacées dans d’autres régions du Proche-Orient et d’Europe. A cela s’ajoutent divers facteurs d’altération des habitats naturels, et il existe par conséquent, pour toute une série d’espèces, de nombreuses lacunes sur leur répartition et leur statut phénologique que ne peut toujours combler la rareté des observations ornithologiques antérieures à l’intensification de ces activités anthropiques.

Ainsi, la disparition de l’autruche (Struthio camelus syriacus), dont l’aire de nidification atteignait jusqu’alors le sud de la région d’Alep, date de la fin du XIXe siècle, et six autres espèces au moins ont déserté ce pays depuis : l’ibis chauve (Geronticus eremitta), le vautour oricou (Torgos tracheliotus), le pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla), l’aigle de Bonelli (Hieraaetus fasciatus), la poule sultane (Porphyrio porphyrio) et le crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax). C’est sans compter aussi d’autres espèces qui ont pu nicher régulièrement par le passé mais pour lesquelles il n’existe aucune information (d’où le rôle important de l’archéozoologie sur ce sujet). Au total, 352 espèces présentes ou potentielles ont été dénombrées sur le territoire syrien, dont 155 Passériformes.

Notes
64.

L’aire géographique couverte par cet organisme (http://www.osme.org) qui publie la revue Sandgrouse dépasse largement la région de l’Asie du Sud-Ouest, mais la Syrie est encore très mal représentée.