3.3 Analyse des assemblages et exploitation des indicateurs saisonniers

Nous avons examiné jusqu’à présent trois possibilités différentes, à partir de l’étude du matériel osseux, de repérer la période de l’année où les oiseaux ont été chassés. L’accent a été mis sur la méthode de présence/absence des migrateurs car elle offre en principe une gamme très étendue d’indicateurs pour chaque saison. Bien que limitées dans cette perspective, les deux autres méthodes, basées sur des événements physiologiques, peuvent néanmoins apporter des renseignements complémentaires et précis sur les chasses printanières et estivales. Nous développons maintenant les procédures que nous avons suivies pour analyser les assemblages aviaires et traiter l’ensemble des indicateurs obtenus.

La première étape consiste naturellement à déterminer l’appartenance taxinomique des ossements. Dans la partie consacrée à ce sujet, nous présentons les diverses méthodes employées et les limites de leur application. Dans une seconde étape, nous abordons la manière d’étudier l’importance relative de chaque espèce ou groupe d’espèces dans les assemblages. Nous posons comme postulat que l’abondance d’un taxon témoigne d’une chasse récurrente, inscrite à la fois dans les traditions culturelles du groupe humain et dans leur cycle économique annuel. Lorsqu’il s’agit d’un indicateur saisonnier, son abondance traduit alors une intensité des activités de subsistance à un certain moment de l’année. Ce postulat n’exclut pas l’éventualité d’une chasse opportuniste, il met seulement en exergue la mobilisation temporelle d’une partie au moins de la communauté (les chasseurs). Pour évaluer cette abondance relative, nous avons fait appel aux deux paramètres les plus communément utilisés en archéozoologie : le nombre de restes et le nombre minimum d’individus. Comme des distorsions sont inévitablement introduites dans ces calculs par les multiples processus taphonomiques qui ont affecté les dépôts osseux originels, nous avons examiné la conservation différentielle des éléments squelettiques pour certains groupes d’oiseaux. Cela non pas dans le but de corriger ces distorsions mais principalement dans celui de reconnaître des tendances générales dans la conservation osseuse qui puissent si possible justifier la comparaison des proportions spécifiques d’un assemblage à l’autre. Dans le même temps, les stigmates produits sur les os par la manipulation anthropique des carcasses (dépeçage, prélèvement des plumes, cuisson, etc.) ont été systématiquement relevés. L’étude des traces macroscopiques nous permet parfois d’identifier d’autres usages que la simple consommation alimentaire et de mettre ainsi en évidence les multiples formes d’intérêt suscitées par ce type de ressources.

Enfin, l’appartenance des oiseaux à une même classe animale ne doit pas faire oublier que leur diversité, tant sur le plan anatomique (plumage, taille, qualités gustatives) que sur le plan comportemental (mobilité, sociabilité, biotope), impliquent selon les taxons des relations diverses entre chasseurs et chassés, consommateurs et consommés. Les raisons pour lesquelles certaines espèces résidentes ou migratrices ont été chassées plus que d’autres ne sont pas forcément liées à leur densité démographique dans les environs du site, mais à tout un ensemble de considérations à la fois stratégiques, économiques et culturelles, difficilement saisissables à partir du matériel archéologique. Nous avons néanmoins tenté de définir dans la dernière étape certaines caractéristiques de l’avifaune identifiée qui, associées à l’abondance relative des taxons, puissent illustrer de manière générale les rapports entre les chasseurs et leur gibier. Trois variables parmi d’autres ont été choisies dans cette perspective : le poids de l’oiseau (format), le biotope dans lequel le chasseur a le plus de chance de le rencontrer (habitat), et sa tendance grégaire (sociabilité).