3.3.2 Indicateurs bruts et durée d’occupation

Une remarque importante doit être faite ici avant d’exposer les procédures que nous avons suivies pour traiter l’ensemble des résultats. Grâce aux méthodes présentées dans la section précédente, un ensemble de données de type qualitatif est immédiatement disponible sur la saisonnalité, i.e. une ou plusieurs saisons peuvent être globalement reconnues dans les assemblages. Lorsque l’objectif principal est l’estimation de la saison d’occupation d’un site, la façon la plus élémentaire d’obtenir l’information recherchée est de délimiter la ou les période(s) couverte(s) par l’ensemble des indicateurs identifiés dans l’assemblage. Suivant ce principe, un unique indicateur d’une saison A aurait alors autant de poids que plusieurs indicateurs d’une saison B, à partir du moment où leur validité et leur association stratigraphique sont vérifiées, puisque c’est l’information temporelle qu’ils livrent par eux-mêmes, et non leur fréquence relative, qui est ici privilégiée. La notion de saisonnalité d’occupation renvoie parfois à ce type de considération élémentaire en archéologie (cf. Monks, 1981) : il importe peu de connaître exactement ce que représentent les indicateurs par rapport à l’ensemble des activités qui ont eu lieu sur le site, seules comptent les périodes qui ont été dégagées par l’étude du matériel.

Avec les oiseaux, la simple combinaison ou juxtaposition des différents statuts phénologiques et des périodes correspondantes ne donnent pas toujours, de ce point de vue, des résultats évidents. Par exemple, la présence de migrateurs hivernants indiquent une durée de 5 à 8 mois selon les espèces, i.e. la chasse a pu avoir lieu soit en automne, soit en hiver, soit au printemps. La découverte fortuite d’un seul reste de migrateur d’été suffira alors à étendre la période d’occupation à l’année entière. La précision est certes plus fine avec les migrateurs de passage mais l’information n’est pas facile à interpréter du fait qu’ils se manifestent deux fois dans l’année, en automne et au printemps. Laquelle des saisons retenir en ce cas ? Pour ce qui concerne les oiseaux résidents, en général fréquents dans les assemblages, comme seule la présence de femelles pondeuses ou de juvéniles permet de repérer un épisode de chasse au printemps ou en été, nous avons vu que la question de leur acquisition à d’autres moments de l’année est laissée malgré tout en suspens.

Cette démarche est donc peu profitable, parce qu’en voulant faire l’économie d’une analyse quantitative des indicateurs, elle reste aussi limitée sur le plan méthodologique. Pour autant, le principe même n’est pas à rejeter car l’absence d’une ou plusieurs saisons dans l’assemblage archéologique (les hiatus temporels) peut être ainsi rapidement déterminée. A partir de là, il sera toujours nécessaire de s’interroger sur sa signification : est-elle due à un biais méthodologique (critique des indicateurs ou de l’échantillon examiné), est-elle une expression de l’organisation culturelle des pratiques (temps d’inactivité), ou correspond-elle réellement à l’abandon du site par ses habitants (ou une partie de la population) à cette période ? Force est de constater que la durée d’occupation n’est pas une question à laquelle on peut répondre au moyen d’un procédé aussi simple. Si elle s’impose dans un contexte particulier, elle ne doit être abordée qu’en dernière étape, après avoir étudié la saisonnalité en termes de pratiques économiques, et c’est cet aspect que nous développons dans cette recherche.