3.3.4 Etude taphonomique des restes osseux

Les fréquences taxinomiques relatives constituent la base des interprétations proposées sur les activités de subsistance des communautés préhistoriques. En principe, pour pouvoir étudier les similitudes ou les différences qui peuvent exister sur ce point entre deux sites (ou deux ensembles stratigraphiques distincts), il faudrait d’abord s’assurer que l’histoire taphonomique du premier assemblage est comparable à celle du second (Klein et Cruz-Uribe, 1984). Or, du point de vue méthodologique, une telle vérification est très difficile à effectuer.

Rappelons que les événements qui se sont déroulés entre le premier et le second stade du modèle taphonomique représentent l’essentiel des informations qui sont recherchées sur les comportements culturels. Ainsi, dans un contexte villageois néolithique, où la question de l’origine de l’assemblage ne se pose pas puisque l’homme en est, à quelques exceptions près, l’unique agent responsable, divers scénarios sont envisageables. L’oiseau qui vient d’être chassé peut être rapporté sur le site dans un état complet, ou bien être vidé et amputé des parties qui présentent peu d’intérêt alimentaire comme la tête ou l’extrémité des membres sur le lieu d’acquisition 72 . Une fois dans le village, il est plumé, éventuellement découpé, cuit et consommé immédiatement, ou sa viande peut être conservée par séchage, fumage ou salaison. La matière première peut être également récupérée et utilisée dans le domaine technologique (plumes, peau, tendons, matière osseuse). La saison et le lieu d’acquisition de l’oiseau auront donc une certaine influence sur le choix ou la réalisation de certaines de ces activités.

Ensuite, les déchets non comestibles sont abandonnés. Certains os peuvent être rejetés dans le foyer pour des raisons sanitaires, d’autres sur le sol même (aire d’activités bouchères, culinaires ou de consommation) ou dans d’autres zones réservées à cet usage (poubelles, fossés, abords d’une habitation). Là, ils seront rapidement enfouis dans la terre ou resteront en surface un certain temps en étant exposé à divers facteurs d’altération : actions climatiques (weathering), destruction par les animaux domestiques (chien, porc) ou commensaux (rongeurs), etc. Face à toutes ces éventualités qui valent pour tout vertébré exploité, la probabilité pour un os d’échapper à la destruction et de se retrouver dans les sédiments est inconnue.

Enfin, à partir du dépôt de l’assemblage (stade 2) jusqu’à sa mise au jour par la fouille archéologique, les facteurs diagénétiques susceptibles d’introduire des modifications sont tout aussi complexes. On sort alors de la problématique générale concernant le mode de vie de la communauté villageoise.

L’étude taphonomique des restes osseux permet dans une certaine mesure de mettre en évidence des caractéristiques propres à chaque assemblage et à chaque groupe animal, même si leur interprétation reste délicate en termes d’événements passés. Les aspects que nous avons choisis d’examiner dans cette optique sont la distribution des éléments squelettiques et les marques superficielles d’origine anthropique (traces d’outils et brûlures).

Notes
72.

Le transport différentiel est une hypothèse formulée notamment par E. Tchernov (1994) pour rendre compte de la sur-représentation des éléments de la ceinture scapulaire (coracoïde, scapula) et du sternum chez les Anatidés de Netiv Hagdud, un site PPNA de la vallée du Jourdain. Cette hypothèse ne nous semble pas convaincante mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans l’étude de l’avifaune de Mureybet et de Jerf el Ahmar.