3.3.5 Contexte stratégique de la chasse aux oiseaux

Malgré la richesse et la diversité de l’avifaune dans les sites archéologiques de la vallée de l’Euphrate (une trentaine de taxons à Dja’dé et jusqu’à une cinquantaine dans le Khiamien de Mureybet), ni l’ensemble des espèces identifiées ni leur abondance respective ne sont le reflet fidèle des potentialités offertes autrefois par cet environnement, ne serait-ce que parce que les Passeriformes de petite taille, par exemple, sont quasi absents dans ces assemblages. Le prélèvement opéré par le chasseur préhistorique parmi toutes les ressources disponibles dans son environnement est dicté par un système de traditions et de valeurs, relatives à son rapport à la nature et partagées par son groupe culturel, et dont l’archéozoologue n’en perçoit que les produits les plus visibles. L’intérêt accordé à certains oiseaux se rapporte à ces préférences culturelles et témoigne dans le même temps de leur rôle notable dans la gestion annuelle des besoins alimentaires de la communauté.

Aussi, parallèlement à la fréquence relative et aux données taphonomiques, d’autres aspects de l’avifaune sont intéressants à étudier en ce qu’ils permettent de mieux cerner les préférences en matière de gibier, comme le format recherché ou certaines conditions susceptibles d’avoir jouer un rôle dans les modes d’acquisition (l’habitat d’une espèce, la densité locale de sa population). Certes, les raisons pour lesquelles des espèces ont été chassés en particulier sont difficilement déterminables, mais en mettant ces variables en correspondance avec les statuts phénologiques, il est possible d’approcher la manière dont les stratégies de chasse s’organisaient au fil des saisons. Des tendances peuvent en effet être dégagées et la comparaison entre les sites archéologiques montrer des adaptations locales ou des changements dans les pratiques cynégétiques au cours de l’histoire.

Néanmoins, l’étude ne se place pas sur le plan des techniques de chasse. Celles-ci présentent une grande diversité selon les cultures et les moyens technologiques (e.g. Eidlitz, 1969) : chasse en solitaire ou en groupe, à l’affût, à l’approche ou par rabattage, emploi d’armes de jet (flèches, lances, bolas) ou de filets, piégeage (trappes, filets, lacets, glu), etc. Malheureusement, si certaines de ces activités peuvent être présumées d’après l’existence d’armes ou de dispositifs caractéristiques dans le matériel archéologique, elles produisent rarement des signatures clairement détectables dans l’assemblage osseux (cf. Laroulandie, 2000).