Habitat 

Le biotope auquel l’oiseau est habituellement associé nous apporte des renseignements sur le territoire exploré par les chasseurs. La définition d’un territoire de chasse recouvre en partie celle du territoire économique, i.e. la zone qui est exploitée à partir d’un site pour ses ressources et qui ne se confond pas forcément avec le territoire comme entité défendue (Jarman et al., 1972). Cependant, notre intention ici n’est pas de déterminer le territoire parcouru lors de la quête du gibier, une problématique qui s’inscrit dans une recherche plus générale concernant la gestion économique des ressources d’un point de vue spatial, telle qu’ont pu la développer certains archéologues anglo-saxons à travers la « site catchment analysis » (ibid. ; Rowley-Conwy, 1983). Il s’agit simplement de connaître quel était le type de milieu le plus attractif pour la chasse aux oiseaux chez les groupes préhistoriques étudiés, étant entendu que toutes les espèces ne se rencontrent pas à la même place.

L’habitat d’une espèce désigne le terrain sur lequel elle effectue la plupart de ses activités quotidiennes, et en particulier où elle est possède l’ensemble des ressources naturelles nécessaires à sa subsistance et à sa reproduction. Pour une espèce migratrice, c’est aussi le lieu où une récupération rapide est possible en toute sécurité. Quelques données comportementales et environnementales sont disponibles pour les oiseaux vivant actuellement au Proche-Orient (Hüe et Etchécopar, 1970), mais elles sont généralement plus fournies pour les populations européennes (Cramp et Simmons, 1977, 1980, 1983 ; Cramp, 1985). Nous avons utilisé ces informations en prenant en compte le contexte environnemental local des sites étudiés.

Les sites du Moyen Euphrate sont installés à l’intersection de plusieurs zones écologiques qui ont leur propre association faunique et végétale. La vallée de l’Euphrate, qui constitue un ruban de verdure permanente enchâssé au milieu d’un plateau à dominance steppique et peu hospitalier à certaines saisons, accueille une avifaune très diversifiée, parmi laquelle des espèces qui ne pourraient normalement souffrir le manque de pluviosité caractéristique de cette région. Entre le cours du fleuve et les vastes étendues semi-arides, il est possible de distinguer quatre zones principales délimitant des biotopes relativement homogènes :

Parmi les quatre catégories proposées, on notera l’absence des milieux rocheux ou montagneux bien que ce type d’habitat fasse également partie du contexte environnemental de la région, en particulier à l’interface de la vallée et du plateau steppique. En réalité, le relief n’y est pas très élevé au point de représenter des conditions écologiques originales. Celles-ci sont peu différentes de la steppe environnante. En outre, il n’y a pas d’espèces spécialement liées à l’altitude parmi l’avifaune étudiée, même si les éléments topographiques comme les collines, générateurs de courants orographiques ascendants, sont souvent mis à profit par de nombreux rapaces et autres oiseaux planeurs (cf. Elkins, 1996). Le fait que certaines espèces comme les vautours ou l’ibis chauve nichent presque exclusivement dans les anfractuosités rocheuses ne constitue pas, à notre avis, un critère déterminant, car leurs comportements alimentaires les prédisposent à explorer d’autres terrains que les collines ou les abords de falaises.

L’attribution d’un seul habitat pour chaque espèce est nécessaire afin de pouvoir dégager des tendances à l’aide de cette méthode, ce qui n’est pas sans poser des difficultés. En effet, un oiseau fréquente parfois différents biotopes selon ses besoins. Par exemple, les oies ont l’habitude de paître dans les prairies durant le jour, et de retourner le soir dans les zones marécageuses, plus sécurisantes, pour y passer la nuit. De même, certaines espèces de milieux ouverts peuvent autant apprécier la steppe que la plaine fluviale, et il existe des espèces clairement ubiquistes comme le grand-duc (Bubo bubo). Nous avons donc essayé de privilégier l’habitat le plus fréquenté par l’oiseau à tout moment de la journée et où le chasseur a le plus de chance de le rencontrer. La liste de ces attributions est présentée dans le tableau 3.2.

Notes
75.

Lady A. Blunt en donne une courte description lorsqu’elle voyage près du village de Meskéné (non loin du site de Mureybet, sur l’autre rive), le 12 janvier 1878 : « The valley was here again very broad ; and there were wide grassy plains, interspersed with tamarisk bushes. In some places there were acres of land furrowed up, as if with the plough, but in reality by the wild boars, which must be very numerous » (Blunt, 1968, p. 90).