3.4.9 Ordre des Columbiformes

3.4.9.1 Famille des columbidés (pigeons et tourterelles)

Le ramier (Columba palumbus) est la plus grande des trois espèces de pigeons vivant en Europe et au Proche-Orient. Pour cette raison, il ne peut être confondu avec aucune autre du point de vue ostéologique. En revanche, comme l’indiquent les valeurs ostéométriques fournies par O. K. W. Fick (1972) le biset (C. livia) et le colombin (C. oenas) sont de taille assez proche et peu de critères morphologiques permettraient de les différencier 104 . C. Mourer-Chauviré (1975) et P. D. M. Weesie (1988) ont cependant noté des différences dans les proportions de certains éléments anatomiques. Au-delà des limites de recouvrement de certaines mesures, il est possible d’attribuer les plus grands spécimens au colombin et les plus petits au biset, si l’on considère par principe les échantillons étudiés par O. K. W. Fick (ibid.) comme représentatifs des diverses populations du Paléarctique occidental. Ainsi, à Mureybet et à Dja’de el Mughara, les dimensions des ossements tombent généralement dans les valeurs supérieures : des restes de C. oenas ont pu être déterminés de cette manière et la présence du biset n’est pas vérifiée.

Il existe par ailleurs trois espèces de tourterelles au Proche-Orient aujourd’hui : la tourterelle des bois (Streptopelia turtur), la tourterelle turque (S. decaocto) et la tourterelle maillée (S. senegalensis). Cette dernière est très répandue dans zones urbaines du Proche-Orient mais il est possible que cette tourterelle africaine ait été à l’origine introduite dans les villes et les oasis de la région (Cramp, 1985), ses populations connaissant encore à l’heure actuelle une expansion géographique. Bien que nous n’ayons pu mesurer des spécimens modernes, il semble d’après les données ornithologiques qu’elle soit significativement plus petite que la tourterelle des bois (Cramp, op. cit.). J. Pichon (1984) signale deux ulnas distales appartenant à cette espèce dans l’avifaune natoufienne de Hayonim (Israël). Les os de tourterelles provenant de Mureybet et de Jerf el Ahmar que nous avons identifiés sont presque tous des segments antérieurs et aucun d’eux ne présente des dimensions inférieures à celles données par O. K. W. Fick (op. cit.) pour S. turtur, ce qui pourrait exclure la présence de la tourterelle maillée.

La tourterelle turque est de taille à peine supérieure à celle de la tourterelle des bois mais, grâce encore aux données de O. K. W. Fick (op. cit.), les deux peuvent se différencier à partir des valeurs extrêmes de nombreuses mesures. Du point de vue morphologique, par contre, la recherche de critères spécifiques sur le squelette post-crânien ont été vouées à l’échec 105 . Jusqu’à présent, dans le matériel étudié, seule S. turtur y est clairement attestée mais plus de la moitié des restes de tourterelles tombent dans la zone de recouvrement des deux espèces. La présence de la tourterelle turque en Europe est due à son expansion depuis les années trente et complique nos connaissances sur son aire de répartition d’origine (Yeatman, 1971). Même si elle était présente en Asie Mineure et dans les Balkans au début du XXe siècle, certains auteurs pensent qu’elle y aurait été introduite à l’époque de l’empire ottoman (Cramp, 1985), les populations principales vivant en Asie centrale et sur le continent indien. E. Tchernov (1994) affirme pourtant que c’est une espèce propre au Proche-Orient en s’appuyant sur l’existence de populations isolées dans les oasis de nombreuses régions désertiques et sur l’identification personnelle d’une dizaine de restes dans l’avifaune de Netiv Hagdud, dans la vallée du Jourdain. Toutefois, ni les critères méthodologiques sur lesquels s’est basée cette attribution, ni les données métriques n’ont été publiées. Etant donné l’intérêt de la communauté ornithologique pour ce phénomène récent de colonisation massive par la tourterelle turque, cette question mériterait une révision ostéologique associée à une analyse moléculaire des restes archéologiques.

Notes
104.

Les critères proposés par O. K. W. Fick (1972) pour le sternum, l’ulna et le tarsométatarse, et utilisés notamment par P. D. M. Weesie (1988) sur du matériel fossile de Crête, ont été remis en question par J. R. Stewart et F. Hernández Carrasquilla (1997).

105.

Nous avions noté une différence morphologique sur le sternum : le labrum ventrale est plus arrondi chez S. turtur alors qu’il se relèverait légèrement plus autour de la spina externa du rostrum sterni chez S. decaocto. Comme ce détail n’est cependant pas facile à apprécier et qu’il peut être soumis à une certaine variabilité interspécifique, nous l’avons rapidement abandonné. Cette région du sternum a été préférentiellement examinée parce que c’est la partie qui se conserve le mieux dans les assemblages archéologiques mais il est possible que des différences morphologiques plus pertinentes soient présentes sur l’os entier.