4.1.1 Stratigraphie générale

A la fin de la dernière campagne, en 1974, la surface fouillée par l’équipe de J. Cauvin couvrait 9 secteurs de 4 mètres sur 4 séparés par des bermes de 1 mètre de large sur la pente ouest du tell et se prolongeait à l’est par deux sondages (AD28 et AD34). Le substratum a été atteint dans 4 secteurs, la puissance des dépôts archéologiques dépassant 8 mètres. Les sédiments ont été systématiquement tamisés à sec à l’aide d’une maille double de 10 millimètres sur 10 et de 1 millimètre sur 2.

Les premières occupations n’ont été rencontrées que dans quatre secteurs et ont été subdivisées en deux phases à partir de la campagne de 1973 (Cauvin, 1974) :

  • La phase IA (Natoufien final), qui correspond à l’installation la plus ancienne (surface fouillée de 35 m²) ;
  • La phase IB (attribuée initialement à l’« Epinatoufien »), qui est matérialisée par une couche d’occupation de 10 à 20 centimètres de puissance surmontant directement les précédentes.

La phase IB a été distinguée sur la base de l’association de pointes de projectiles, totalement absentes dans les niveaux sous-jacents, avec des microlithes géométriques (segments et triangles). Cette phase, d’abord considérée comme un stade ultime du Natoufien (ibid.), est depuis rapprochée du Khiamien au regard d’autres sites qui ont présenté un assemblage lithique similaire dans le Levant sud (Cauvin, 1997 ; Abbès et al., à paraître). Elle représente sans doute une transition chronologique entre un Natoufien évolué (phase IA) et le Khiamien proprement dit (phase II).

La fouille de la phase II sur une surface de 70 m² a livré un abondant matériel archéologique et des niveaux de constructions. Les occupations sont équivalentes aux niveaux I à VIII relevés par M. van Loon (1968) 110 . La séquence de cette phase a été subdivisée en deux parties (IIA et IIB) à partir des premières observations faites sur l’industrie lithique (Cauvin M.-C., 1974). Il est important ici d’avertir que l’attribution des unités stratigraphiques aux phases natoufiennes et khiamiennes a été reconsidérée depuis grâce à la récente révision de l’industrie lithique de Mureybet (Abbès et al., à paraître). L’apparition des premières pointes de projectiles s’avère dorénavant plus précoce qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Cette découverte a eu pour conséquence de restreindre la quantité de matériel archéologique propre à la phase natoufienne et, logiquement, d’élargir le matériel khiamien, d’autant que le terme « Epinatoufien » a été finalement abandonné et les niveaux correspondants rattachés au Khiamien.

La phase III a été dégagée sur 150 m² environ et coïncide approximativement avec les niveaux XII à XVII de M. van Loon. Cette phase appartient à l’horizon PPNA, et est à l’origine de la définition d’une culture propre au Levant nord, le « Mureybétien » (Cauvin, 1997), qui fait pendant aux cultures contemporaines de l’Aswadien 111 et du Sultanien reconnues plus au sud. Les différents niveaux d’occupation ont été regroupés en deux phases ou sous-phases, IIIA et IIIB, de la plus ancienne à la plus récente, en fonction non plus de l’industrie lithique mais de l’évolution architecturale mise en lumière par la première fouille de M. van Loon. A la lumière de la fouille de Jerf el Ahmar, l’ensemble pourrait correspondre à un état relativement tardif de l’horizon PPNA (Stordeur, communication personnelle). La hauteur et la superficie du tell suggèrent toutefois une relative continuité des occupations de la phase IA à la phase III, même si les secteurs explorés n’ont pu en relever qu’une partie.

Les occupations les plus récentes n’ont été trouvées que sur la pente occidentale du tell. La phase IVA, attribuée au PPNB ancien, est représentée dans le sondage AD34 sur 12 mètres carrés et une puissance de 4,5 mètres. Quant à la dernière occupation du site qui correspond au PPNB moyen, la phase IVB, elle a été découverte dans le sondage AD28 sur une surface de 16 mètres carrés et une puissance d’environ 5 mètres. La connexion stratigraphique entre ces niveaux PPNB et les plus anciens n’a pu être rencontrée au cours des cinq campagnes de fouille.

Notes
110.

Des doutes subsistent encore sur l’attribution des niveaux intermédiaires entre le Khiamien et le Mureybétien. D’après l’industrie lithique, les niveaux I à VIII de M. van Loon correspondent certainement à la phase II de J. Cauvin, et les niveaux XII à XVII à la phase IIIB (Cauvin, 1977).

111.

L’Aswadien est actuellement remis en cause depuis la reprise des fouilles de Tell Aswad, en Damascène, par D. Stordeur et son équipe (Stordeur, 2003).