4.2.1.3 Techniques de boucherie

Concernant les différents aspects « taphonomiques » des assemblages mammaliens, nous ne nous disposions jusqu’à présent que de l’analyse de P. Ducos (1978) sur les trois principaux groupes de mammifères (Equus, Bos et petits ruminants) exploités à Mureybet durant les phases khiamiennes, mureybétiennes et PPNB, et des observations relevées par D. Helmer (1991) sur le matériel des premières occupations. Pour P. Ducos (op. cit.), l’étude de la distribution des parties squelettiques avait pour objectif principal de repérer les « aberrations », i.e. les éléments sur- ou sous-représentés dans certains locus par rapport à la fréquence théorique attendue, afin de procéder par la suite à des corrections statistiques dans les calculs de l’abondance relative des taxons. Dans cette perspective, l’auteur ne livre aucune information sur les traces de boucherie ou de brûlures. D. Helmer (op. cit.) note en revanche que si les os brûlés sont nombreux dans les assemblages natoufiens, aucune trace caractéristique de rôtissage n’a été relevée. Notre étude de la faune de Mureybet nous permet déjà d’avancer que les restes calcinés se retrouvent en assez grand nombre dans toutes les phases d’occupation, et que les causes des brûlures sont multiples :

Dans les deux derniers cas, des os portant des traces de digestion partielle ont été brûlés.

L’étude de la conservation différentielle squelettique (CDS) de la grande faune est problématique pour Mureybet car le matériel issu des fouilles Cauvin est extrêmement fragmenté, en raison non seulement des activités préhistoriques et des processus diagénétiques, mais aussi du transport des caisses d’échantillons depuis la Syrie. En outre, comme nous l’avons précisé en introduction, les restes de grands mammifères avaient initialement fait l’objet d’un tri sélectif avant d’être ramenés en France. Par conséquent, les éléments les plus pertinents dans ce domaine figurent peut-être dans l’étude publiée par P. Ducos (op. cit.). Malheureusement, il n’est pas possible, à partir des données brutes (NRD) fournies par l’auteur, de recalculer le nombre minimum d’éléments (NME). Néanmoins, certaines remarques peuvent être faites en examinant les tableaux 7 à 9 de sa publication. Ainsi, nous constatons que toutes les parties anatomiques sont représentées chez ces mammifères. D’un point de vue statistique, d’après P. Ducos, certaines sont significativement plus fréquentes que d’autres. L’auteur explique, par exemple, la prédominance des dents chez les équidés ou des os du carpe chez l’aurochs par des facteurs naturels de robustesse et de densité. D’autres sur-représentations, comme les scapulas, les phalanges et les humérus distaux de petits ruminants (en majorité la gazelle), ont été interprétées comme le résultat de pratiques artisanales ou techniques (prélèvement de la peau avec conservation des extrémités des pattes, fabrication d’outils, etc.). Nous savons désormais que les os que nous venons d’énumérer sont en général très abondants dans les assemblages archéologiques, non pas en raison de comportements anthropiques, mais plus probablement en raison de propriétés squelettiques intrinsèques comme la densité (Lyman, 1984). Ce que nous devons retenir de l’ensemble de ces données, par rapport aux questions relatives à la chasse aux herbivores, c’est que les carcasses de tous ces animaux, y compris ceux de grande taille comme les équidés et les bovinés, ont certainement été ramenés entiers puisque qu’aucun déficit remarquable de tel ou tel segment n’y figure.

Les principales parties anatomiques des herbivores sont toutes représentées dans des proportions qui paraissent, de manière générale, liées à la conservation différentielle naturelle. Dans l’attente d’une étude taphonomique plus approfondie, l’hypothèse d’un prélèvement différentiel systématique des carcasses, du moins pour les mammifères qui ont joué un rôle majeur dans l’économie alimentaire des habitants successifs de Mureybet, peut être exclue.

Les os partiellement digérés sont relativement abondants (Helmer, 1991 ; observation personnelle) et attestent la présence de chiens domestiques à l’intérieur des villages (cf. Payne et Munson, 1985, Horwitz, 1990). Ces stigmates concernent essentiellement l’extrémité des membres des gazelles : métapodes distaux, calcanéums, talus et phalanges. Quelques phalanges d’équidés, malgré leur taille conséquente, ont également été altérées par les sucs gastriques. Parallèlement, des traces de morsures ou de mâchonnement sont fréquemment observées sur les os. L’impact de ce facteur sur les chances de conservation des ossements de petits ruminants (et, par extension, de tous les petits animaux) et sur leur représentativité, même s’il demeure difficile à mesurer, n’est donc pas à négliger, car il signifie selon toute logique qu’une partie des assemblages initiaux a dû être complètement détruite et consommée par ces carnivores.