5.1.1 Stratigraphie générale

Les premiers niveaux atteints par la fouille apparaissent à moins de 50 centimètres de la surface du sol. Les occupations les plus récentes ont donc complètement disparu ou bien ont été très abîmées par l’activité récente des labours et des bulldozers autour du tell. De même, le flanc aval du tell a probablement été érodé au cours du temps. Le creusement de tranchées autour du site en 1998 à l’aide d’une pelle mécanique a eu pour objectif d’évaluer l’étendue de différents niveaux archéologiques mais n’a pas permis de déterminer clairement si le petit oued séparant les deux buttes existait avant l’implantation des Néolithiques. Toutefois, bien qu’un raccord stratigraphique direct ne puisse être désormais établi entre ce que l’on a désigné comme l’Eminence Est et l’Eminence Ouest, les vestiges indiquent une correspondance partielle mais évidente entre les deux séquences.

Malgré le contexte de sauvetage, la plupart des sédiments ont été tamisés à sec à l’aide d’une double maille de 10 x 10 mm et de 1 x 2 mm. Pour certains secteurs, la technique de flottation a été systématiquement appliquée afin de récolter les restes botaniques, la microfaune et divers objets de très petite taille.

Les fouilles successives menées en extension par l’équipe franco-syrienne (près de 1 200 m²) ont mis au jour au moins 10 niveaux construits sur l’Eminence Est et 7 niveaux sur l’Eminence Ouest (Stordeur et Abbès 2002). L’évolution la plus spectaculaire de la base au sommet du tell se manifeste à travers les plans architecturaux (cf. infra). La stratigraphie générale en propose un aperçu à partir des niveaux les plus profonds :

Eminence Est (près de 4 mètres de puissance) :

  • Niveaux VII, VI et V/E : maisons rondes, légèrement enfouies dans un sol et sans subdivisions intérieures. Les dimensions sont modestes, quoique variables, et certaines structures sont agglutinées par deux.
  • Niveau IV/E : maisons rondes, semblables à celles des niveaux sous-jacents. Le contour de certaines tend toutefois vers la forme polygonale.
  • Niveaux III, II et I/E : maisons de forme ronde, elliptique ou semi-circulaire, dont certaines sont déjà subdivisées grâce à des murs de refends rectilignes. Les angles extérieurs sont toujours arrondis, même si certains murs sont absolument rectilignes.

Le niveau III/E a été intégralement incendié. Dans le niveau II/E apparaît pour la première fois un type de maison à deux pièces, prolongée sur l’un des côtés par des antes et une cour avec auvent. Par rapport aux précédents, le niveau I/E connaît une extension vers le sud de la butte. Il comprend une grande diversité de plans architecturaux (une dizaine de maisons au moins) et notamment le premier bâtiment communautaire attesté (EA7), bâti en grande partie dans une fosse circulaire et subdivisée selon une géométrie radiale.

  • Niveau 0/E : apparition des premières maisons rectangulaires avec angles extérieurs droits.
  • Niveau -I/E 131  : diversité importante des plans architecturaux mais relâchement dans les qualités d’exécutions des constructions domestiques. Une nouvelle forme de bâtiment communautaire y a été découverte (EA53). La structure est arrondie et enterrée comme la forme précédente, mais l’espace intérieur n’est plus subdivisé et est seulement équipé d’une banquette ornée de dalles. Dédié uniquement à des réunions ou des cérémonies (Stordeur et al., 2001).
  • Niveau -II/E : dépôts de surface très perturbés.

Eminence Ouest (près de 6,5 mètres de puissance) :

  • VI à IV/W : maisons à murs extérieurs arrondis. Ces niveaux ne sont connus que par des sondages, mais des divisions internes rectilignes sont présentes dès le niveau IV/W.
  • III/W : coexistence des maisons curvilignes et des maisons rectangulaires. Un premier bâtiment communautaire, de plan identique à celui du niveau I/E, y a été édifié.
  • II/W : douzaine de maisons rectangulaires ou ovales, avec divisions intérieures rectilignes pour la plupart, organisées autour du bâtiment communautaire du niveau précédent, rebâti après un premier incendie (EA30).
  • I/W : seulement trois maisons dégagées, de types variés. Durant la campagne de démontage menée de toute urgence en août 1999, un bâtiment communautaire (EA100) de même type que celui de -I/E a été découvert partiellement. Son attribution à ce niveau ou au niveau 0/W reste problématique.
  • 0/W : niveau très érodé et fragmentaire.

L’examen du matériel a permis de montrer que les niveaux VII/E à 0/E et les niveaux VI/W à II/W appartenaient tous à la culture mureybétienne telle que l’a définie J. Cauvin à partir de l’étude du site éponyme (Cauvin, 1977, 1997). La première implantation a été construite sur l’Eminence Est. Du point de vue des correspondances, l’autre butte n’a été vraisemblablement occupée qu’à partir du niveau II ou I/E, juste avant l’apparition des premières structures rectangulaires. A partir de là, il n’a pas été possible de déterminer si les deux éminences étaient occupées dans le même temps et/ou de manière alternative. Pour les niveaux récents (-I/E, -II/E, I/W et 0/W), le contexte général est rattaché à l’horizon PPNA d’un point de vue général. Cependant, à la lumière de certains éléments annonçant déjà des caractéristiques propres au PPNB, en particulier dans le domaine architectural et technologique (infra), ces dernières occupations ont été récemment considérées comme les témoins d’une « phase de transition PPNA-PPNB » dont l’existence avait été jusque-là simplement supposée (Stordeur et Abbès, 2002).

Notes
131.

Cette numérotation négative est due à l’historique de la fouille : jusqu’en 1998, le niveau I/E était considéré comme le plus récent.