Organisation de l’espace

L’étude des niveaux d’occupation les plus fouillés en extension a montré que l’installation et l’organisation des villages obéissaient à un véritable projet collectif. Ainsi, des travaux de terrassement d’envergure ont été entrepris au moins dès la phase III sur l’Eminence Est. L’étagement des villages est matérialisé par de petits murets qui soutiennent les terrasses. Ils sont généralement construits en travers de passages séparant deux structures existantes et délimitent de la sorte plusieurs unités d’habitation le long de la pente naturelle de la colline (Fig. 5.2). L’intérieur des maisons est dans quelques cas lui-même étagé. La construction des bâtiments communautaires, avec notamment le creusement de la fosse destinée à le recevoir, implique également un considérable travail collectif.

L’implantation d’un nouveau village reprend assez fréquemment l’emplacement des vestiges architecturaux du précédent. Après terrassement, une couche de fin gravier alluvionnaire était parfois répandue sur le sol, peut-être dans un but sanitaire. L’espace séparant les habitations était utilisé comme voies de circulation, comme aires collectives équipées de fosses-foyers ou des bassins de stockage, ou comme zones de rejet de matériels. Certaines maisons, une fois abandonnées, servaient parfois de poubelles, une pratique encore observée dans les villages actuels de la région.

Dans le niveau II/W, les structures domestiques sont disposées en un arc de cercle presque complet autour du bâtiment EA30 (Fig. 5.2). Une organisation de l’espace analogue fut adoptée dans le niveau I/E où le bâtiment est aussi de type polyvalent. En revanche, dans le niveau de transition 0/E, le bâtiment spécialisé EA53 n’est plus au centre de la zone construite mais à son extrémité sud-ouest. La structure de ce village est formée d’au moins deux groupes de maisons entourant une place centrale ouverte à l’est et à usage collectif. Dans le domaine architectural, la transition PPNA-PPNB se caractériserait donc non seulement par un changement de destination des bâtiments communautaires mais aussi par une évolution de leur emplacement vers la périphérie du village (Stordeur et Abbès, 2002).