5.2.2.1 Fréquences relatives des taxons

Jusqu’à présent, la détermination de 1553 restes a révélé une avifaune comprenant au moins 45 espèces et 3 taxons non spécifiés 134 (Tabl. 5.12). Il ressort de cette composition une ressemblance très forte avec les assemblages de Mureybet, mais des particularités se perçoivent dans l’abondance relative des espèces (Fig. 5.12).

Le francolin noir (Francolinus francolinus) est l’oiseau le plus couramment chassé à Jerf el Ahmar : l’ensemble des phasianidés – perdrix choukar (Alectoris chukar) et caille (Coturnix coturnix) comprises – représente jusqu’à 22 % du matériel. Les oies constituent le groupe le plus important avec 453 restes (29,2 %) bien que, du point de vue du NMI, leur fréquence ne soit que de 16,7 %. Parmi elles, on note la présence de l’oie naine (Anser erythropus) par une scapula gauche mais ce sont l’oie rieuse (A. albifrons) et l’oie cendrée (A. anser) qui composent à parts à peu près égales l’essentiel de l’effectif.

Au moins dix espèces de rapaces diurnes ont été identifiées auxquelles s’ajoutent un ou plusieurs busards de petite taille (Circus ssp.) et un aigle de taille moyenne (Aquila sp.). Cette catégorie est très bien représentée (17 % environ) à cause du nombre élevé d’ossements (NRD = 193) de vautour fauve (Gyps fulvus) notamment des phalanges postérieures. Une telle abondance pour ce vautour a été rarement signalée dans d’autres sites archéologiques et est certainement liée à des pratiques autres qu’alimentaires (Gourichon, 2002). Nous y reviendrons plus loin dans la partie consacrée à la conservation différentielle du squelette. En réalité, mis à part le vautour fauve, la fréquence des autres rapaces diurnes se réduit à 4,4 % à peine à partir du NRD et à 10,7 % à partir du NMI, des valeurs inférieures à toutes celles que nous avons observées à Mureybet. Dans ce site, la buse variable (Buteo buteo) représente plus de 5 % des restes dans les Phases II et III alors qu’elle n’atteint pas 1 % à Jerf el Ahmar.

Les grues sont relativement communes (8,6 à 13,1 %) et sont à ranger parmi les taxons dominants avec les oies, le francolin et le vautour. Dans ce groupe, la grue cendrée (Grus grus) est l’espèce principale, ses restes étant quatre fois plus nombreux que ceux de la grue demoiselle (Anthropoides virgo).

Par ordre d’importance viennent ensuite les canards (5,9 à 7,9 %). Ils réunissent près d’une dizaine d’espèces parmi lesquelles les canards de surface (genre Anas) sont majoritaires en termes de NRD, en particulier le colvert (A. platyrhynchos) et des espèces de moyenne taille, comme le siffleur (A. penelope), auxquelles pourraient appartenir de nombreux ossements spécifiquement indéterminés. La sarcelle d’été (A. querquedula) n’a pas été identifiée et la sarcelle d’hiver (A. crecca) est rare contrairement à Mureybet.

Alors que les assemblages de Mureybet ont livré une faible quantité de restes d’outarde barbue (Otis tarda), on doit convenir qu’à Jerf el Ahmar la fréquence de cet oiseau est assez remarquable (4,3 à 4,7 %). Les corvidés de la taille de la corneille (Corvus corone ou C. frugilegus) est également bien représentée (4,2 à 5,3 %). Tous les autres taxons n’ont livré tout au plus qu’une dizaine de restes. Ils n’ont vraisemblablement joué qu’un rôle mineur dans les ressources aviaires des habitants de Jerf el Ahmar mais ils contribuent à la reconnaissance de la diversité et de l’intérêt du gibier à plumes pour ces communautés. Ainsi, il est intéressant de faire mention ici de certaines espèces qui n’ont pas ou rarement été identifiées dans les autres sites de la région (supra) : la cigogne noire (Ciconia nigra), l’ibis chauve (Geronticus eremita), la nette rousse (Netta rufina), le harle bièvre (Mergus cf. merganser), le vautour moine (Aegypius monachus), et l’œdicnème criard (Burhinus oedicnemus).

Notes
134.

Cette étude a été présentée de manière synthétique dans un poster pour le Ve Colloque international d’ASWA (2-5 avril 2000, Amman, Jordanie) et publiée dans les actes de ce colloque (Gourichon, 2002).