Chapitre 6 – Dja’de el Mughara

6.1 Présentation générale

Le site de Dja’dé el Mughara, découvert en 1989 lors d’une mission de prospection, est exploité depuis 1991 par une équipe de fouille dirigée par E. Coqueugniot (1998, 1999a, 1999b, 2000). Comme pour Jerf el Ahmar, ce programme avait été initié dans le cadre de la campagne internationale de sauvetage organisée à l’occasion de la construction du barrage de Tichrine. Une dizaine de campagnes de fouille a été menée au cours de cette période (1991 à 1993, 1995 à 1997, 1999 à 2003). A la suite de la mise en eau du barrage en automne 1999, le site s’est trouvé de justesse épargné par l’inondation grâce à sa position topographique favorable. Le changement du statut de ce programme et les découvertes archéologiques exceptionnelles survenues en automne 2000 ont amené à la poursuite de la fouille de certains secteurs stratigraphiques.

Le site est implanté sur la rive gauche de l’Euphrate (36°37’ N, 38°13’ E, cote supérieure à 330 mètres), au nord-est d’Alep, en amont du village de Qara Qosak et à environ 30 kilomètres de la frontière turque. Ce tell peu élevé, de 5 à 6 mètres de hauteur, est établi sur la moyenne terrasse quaternaire de l’Euphrate (Besançon et Sanlaville, 1984), qui constitue à cet endroit un promontoire formé de cailloutis et de galets de roches métamorphiques conglomérés (poudingue) provenant du massif taurique.

La majorité des dépôts archéologiques est attribuée au PPNB ancien, une période connue à Mureybet (phase IVA) et à Cheikh Hassan (niveaux supérieurs) pour la Syrie, et dans quelques sites d’Anatolie. Depuis la création du lac Assad en 1975, Dja’dé représente donc le seul site témoin de cette phase chrono-culturelle actuellement abordable en Syrie du Nord. Une dizaine de datations radiocarbones place les niveaux du PPNB ancien dans la deuxième moitié du 9e millénaire avant notre ère en dates calibrées. Le site semble avoir été abandonné durant le PPNB moyen et récent puis réoccupé au début du Néolithique à céramique (pré-Halaf), au cours de la première moitié du 6e millénaire, puis au Bronze ancien III/IV, durant la seconde moitié du 3e millénaire, pour l’installation d’une nécropole (Coqueugniot et al., 1998). Les découvertes faites lors de ces dernières années à quelques centaines de mètres de la zone de fouille ont également démontré que la localité était déjà fréquentée au PPNA.