6.1.2 Architecture

Les connaissances actuelles sur les techniques de construction à Dja’dé indiquent l’emploi habituel de murs rectilignes en terre à bâtir renforcés par une armature de pierres de faible module et sans mise en forme soigneuse. Le calcaire tendre largement employé dans le Mureybétien du Moyen Euphrate et dans le PPNB ancien de Cheikh Hassan n’est pas en usage ici, en raison probablement d’un environnement géologique différent. Les sols sont en terre battue et disposés en général sur des radiers de pierres ou de galets. En l’absence de structures incendiées, aucun lambeau de toit qui permettrait de proposer une reconstitution générale des habitations n’a été retrouvé.

La fouille des plus anciennes occupations PPNB suggère un habitat constitué de maisons de plus grandes dimensions que dans les phases postérieures. Les indices sont encore peu nombreux mais une maison de près de 4 mètres sur 3,5 a été découverte en 1997 dans le secteur A-E. Ses murs enduits d’argile sont conservés sur près de 1,10 mètre de hauteur et délimitent quatre cellules dont deux communiquent entre elles par une porte étroite.

Dans les niveaux plus récents, l’espace habité est marqué par la présence de petites constructions rectangulaires séparées par de larges aires extérieures. L’ensemble architectural dit de la « Maison des Morts » a livré un nombre exceptionnel de sépultures primaires et secondaires. Cette structure comportait à l’origine quatre cellules rectangulaires de petites dimensions et deux phases au moins de reconstruction ont été reconnues (Fig. 6.1). Elles ont laissé place dans les derniers temps, sans que la fonction funéraire de ce bâtiment en ait été changée, à une structure à deux cellules prolongées par des antes sur l’un des côtés.

Près d’une dizaine de structures d’un type bien particulier ont également été rencontrées à Dja’dé. Leur plan général rectangulaire est composé d’une série de murets de faible hauteur (0,50 m) et alignés parallèlement à peu de distance l’un de l’autre. Ces murets de terre à âme de pierres évoquent par leur disposition les soubassements en grill­-plan du PPNB de la région du Taurus, comme ceux de Çayönü. Cependant, plusieurs éléments – le lissage et la réfection régulière des surfaces, la mise en place d’un radier de pierres sous le sol d’appui, l’espace ouvert entre les murets – suggèrent une autre explication que celle admise pour les sites turcs (i.e. pilastres de soutien pour un étage supérieur). Selon E. Coqueugniot (1999a), il s’agirait de supports pour des plates-formes en matériaux légers (roseaux ou branchages), leur écartement « ayant pour fonction de laisser passer librement l’air afin de compléter l’assainissement déjà assumé par le radier sous-jacent » (op. cit., p. 67). La fonction exacte de ces structures reste à déterminer mais les plates-formes de couchage ou les aires de séchage pour les végétaux encore visibles aujourd’hui dans certains villages traditionnels de la région fournissent dores et déjà des analogies saisissantes du point de vue architectural. Quoi qu’il en soit, ce type préfigure déjà les structures en grill-plan qui seront développées un peu plus tard en Anatolie orientale.

D’autres constructions légères (parois végétales et pisé) sont attestées par des trous de poteaux et par des empreintes de nattes et de litières dans les espaces extérieurs, ce que confirment les analyses microstratigraphiques (étude de M.-A. Courty). A cela s’ajoutent des structures de combustion qui, comme dans les périodes antérieures, sont des foyers en fosse bordés de pierres et remplis de galets brûlés.