6.2.2.1 Fréquences relatives des taxons

Sur un échantillon comportant plus de 400 restes, 357 ont été déterminés (Tabl. 6.11). Ce faible effectif entraîne d’assez fortes divergences entre les fréquences basées sur le NRD et celles basées sur le NMI (Fig. 6.12). L’avifaune de Dja’de el Mughara est ainsi composée de 29 taxons dont au moins deux n’ont pu recevoir une désignation spécifique (la corneille ou le freux, et un busard de moyenne taille).

L’outarde barbue (Otis tarda) est de tous les oiseaux celui qui a été le plus chassé. Sa fréquence est de 17 % d’après le NMI et ses restes représentent jusqu’à plus de deux tiers de l’assemblage. Une telle importance dépasse de loin les valeurs obtenues à Jerf el Ahmar. Le dimorphisme sexuel étant très marqué chez cette espèce, nous avons pu faire la distinction entre les restes de femelles et de mâles et établir un rapport de près de 1 sur 2 (46/88). Si l’on considère le NMI, le rapport n’est que de 4 sur 5. Il semblerait donc que les mâles fussent relativement plus nombreux que les femelles dans l’assemblage mais, compte tenu de la taille de l’échantillon, il n’est pas certain que cela traduit une réelle sélection cynégétique.

Les phasianidés ont une part importante dans les ressources aviaires à hauteur de 15 % environ. Le francolin noir (Francolinus francolinus) y domine largement (au moins 76,8 % des restes de gallinacés) tandis que la choukar (Alectoris chukar) est présente en petite quantité, comme dans les sites plus anciens de la vallée.

L’abondance relative des oies, toutes espèces confondues, correspond à peu près à celle du groupe précédent (9,4 à 14,3 %). Aux oies cendrée (Anser anser) et rieuse (A. albifrons), qui sont les espèces les plus communes, s’ajoute l’oie naine (A. erythropus) dont la présence est certifiée par un carpométacarpe droit.

Les gangas se rangent dans le même ordre de grandeur (12,0 à 13,2 %) et sont en majorité représentés par le cata (Pterocles alchata). Celui-ci est aussi abondant que le francolin et seuls quelques restes de grande taille ont été attribués au ganga unibande (P. orientalis). Jusqu’à présent, cette famille n’avait été signalée que par un petit nombre de spécimens dans les phases IB et III de Mureybet et, curieusement, malgré sa proximité géographique, l’assemblage de Jerf el Ahmar n’en a livré aucun.

Les rapaces diurnes, avec 6 espèces d’accipitridés et le faucon pèlerin (Falco peregrinus), offrent une grande diversité pour un échantillon aussi réduit. Leur fréquence cumulée s’élève à 15,1 % selon le NMI mais à 7,6 % seulement selon le NRD. Contrairement à Jerf el Ahmar, il n’y a pas d’espèce majoritaire, le vautour fauve (Gyps fulvus) n’étant figuré ici que par un carpométacarpe droit. On note dans ce cortège la présence du percnoptère (Neophron percnopterus) et du pygargue (Haliaeetus albicilla) qui, comme le vautour déjà mentionné, sont des oiseaux typiquement ou régulièrement portés sur le charognage. Les autres accipitridés identifiés sont la buse variable, la buse féroce, un busard de taille moyenne et l’aigle royal.

La corneille ou le freux (Corvus corone/frugilegus) ont une fréquence équivalente à celle de Jerf el Ahmar ou de la phase III de Mureybet (5 % environ). Parmi les corvidés, une ulna gauche indique la présence du geai (Garrulus glandarius)dans les environs, une espèce que nous n’avons rencontrée dans les autres sites néolithiques de la région qu’à Mureybet. J. Pichon (1984) en avait signalé un spécimen dans les niveaux natoufiens de Mureybet, que nous n’avons pu retrouver 137 .

Les anatidés semblent avoir été rarement exploités (moins de 4 %). Dans l’état actuel de l’analyse du matériel osseux, seuls le canard colvert (Anas platyrhynchos) et le siffleur (A. penelope) ont été déterminés alors que les sarcelles (A. crecca, A. querquedula ou A. angustirostris) et les fuligules (Aythya) sont totalement absents. On retrouve ici la même tendance qu’à Jerf el Ahmar, à savoir un désintéressement manifeste à l’égard de ce gibier d’eau.

De même, les autres taxons ne représentent qu’une part mineure dans l’assemblage. C’est le cas, notamment, des grues (Grus grus et Anthropoides virgo) qui étaient au contraire relativement communes dans le site précédent. Signalons aussi que des colonies d’ibis chauve (Geronticus eremitta) devaient certainement nicher non loin du village comme l’atteste l’identification de deux coracoïdes gauches.

Notes
137.

Le spécimen de Mureybet a été perdu ou était peut-être sans étiquette et déterminé par nous comme P. pica ou corvidé non spécifié.