Chapitre 10. Les premiers pasteurs nomades et sédentaires de la Palmyrène

10.1 Introduction

Les sites d’El Kowm 2 et de Qdeir 1 partagent le même cadre chronologique, le PPNB final, et appartiennent à une même ensemble culturel distribué dans la région du Moyen Euphrate, en Djéziré et sur la côte levantine, et dont l’économie est basée principalement sur l’élevage et l’agriculture (Cauvin, 1990a). La particularité première des communautés de la cuvette d’El Kowm, comme celles qui sont apparues à peu près à la même époque dans le Désert noir et l’oasis d’Azraq en Jordanie (Garrard et al., 1987 ; Betts et al., 1990), est d’avoir choisi de vivre dans un milieu aux fortes contraintes climatiques et environnementales, le désert, qui était jusqu’alors pratiquement inoccupé depuis le début du Néolithique précéramique. Les deux sites ont de l’eau permanente grâce à la présence de sources artésiennes. Ce sont donc tous deux des oasis où une vie sédentaire pouvait être en principe menée. Pourtant, d’après l’étude des vestiges architecturaux et des activités qui s’y déroulaient (Aurenche et Cauvin, 1982 ; Cauvin, 1990a ; Stordeur, 1993, 2000b ; Stordeur et Wattez, 1998), ces implantations reflètent des modes différents d’occupation de la steppe aride : un village sédentaire à El Kowm 2 et un campement nomade à Qdeir 1.

Les points communs sont pourtant nombreux aussi bien du point de vue culturel, comme nous l’avons rappelé au début, que technologique. La céramique y est absente, contrairement aux villages voisins de la vallée de l’Euphrate, et est suppléée par la production de récipients en plâtre ou en chaux. Ces matériaux sont par ailleurs utilisés dans l’architecture (enduits des murs, sols, etc.). D’autres ressemblances se retrouvent dans les modes de construction, ainsi que dans le débitage du silex et certaines traditions techniques (Cauvin, 1990a ; Stordeur, 1993). D’un autre côté, le contexte et les données archéologiques indiquent bel et bien des modes de vie différents. A El Kowm 2, une petite société agropastorale a marqué son histoire à travers les habitations et les aménagements domestiques qui ont été bâtis, agrandis, démolis puis reconstruits à nouveau parfois sur les mêmes emplacements. Sur le site de Qdeir 1, les traces d’architecture sont sporadiques et les vestiges paraissent au contraire refléter des visites, des occupations temporaires destinées à quelques activités spécialisées parmi lesquelles la taille du silex prédomine, avec l’élevage et la chasse. Qu’il y ait ou non des éléments fixes, le campement est remonté à chaque occupation annuelle. Chaque occupation est un nouvel événement, dans une grande mesure indépendant des évènements précédents (cf. Cribb, 1991). Il convient d’ajouter qu’aux dires des Bédouins qui vivent actuellement dans la région, les alentours de Qdeir offrent des pâturages de meilleure qualité que ceux d’El Kowm (Stordeur, 1993). Il serait délicat d’affirmer que c’était aussi le cas au Néolithique, mais cela est très probable s’il s’agit essentiellement d’une question de caractéristiques édaphiques. Cet avantage aurait pu être l’une des raisons d’attraction de la localité, avec la proximité des gîtes de silex, pour des groupes nomades ou semi-nomades.

Nous allons ici réexaminer et comparer les éléments que nous avons recueillis sur le système de subsistance de Qdeir 1 et El Kowm 2 afin de tenter de comprendre les différentes stratégies d’adaptation qui ont permis à ces communautés de vivre dans ce même milieu contraignant.