10.4 Complémentarité et antagonismes entre les modes de vie sédentaire et nomade

Il existe un continuum entre le nomadisme et la sédentarité qui peut être apprécié selon une gamme de stratégies de production depuis l’agriculture sédentaire jusqu’au nomadisme pastoral spécialisé (e.g. Bédouins chameliers d’Arabie Saoudite, Touaregs du Sahara), en passant par diverses formes d’agriculture mixte et de « semi-nomadisme » (Cribb, 1991 ; Marx, 1992). Au Proche-Orient et dans d’autres régions arides, à la faveur de certaines circonstances, certains groupes peuvent passer d’un type d’économie à un autre, à travers les divisions conventionnelles entre sédentaires et nomades (Cribb, op. cit.). Du point de vue synchronique, on connaît mieux les relations entre deux groupes plus ou moins bien distincts, les agriculteurs sédentaires et les pasteurs nomades (e.g. Digard, 1981 ; Khazanov, 1984 ; Masson, 1990 ; Cribb, 1991 ; Lancaster et Lancaster, 1991 ; D’Hont, 1994). Hormis les éventuels liens de filiation qui peuvent subsister ou être entretenus, ces relations prennent différentes formes d’interactions, économiques (échanges) ou politiques, distantes, proches ou franchement hostiles. Dans la majorité des cas, le nomadisme pastoral ne peut se maintenir que par l’existence de relations plus ou moins rapprochées avec des populations sédentaires (Khazanov, 1984).

D’après les datations, les occupations des sites de Qdeir 1 et El Kowm 2 étaient en partie contemporaines (Cauvin, 1990a ; Stordeur, 2000b). Les dissemblances dans le domaine technologique telles que la rareté des pointes de flèches à El Kowm 2 ou la présence remarquable des burins à troncature concave à Qdeir 1, qui sont propres au faciès « nomade désertique », laissent penser que les communautés en question étaient différentes et que les pasteurs de Qdeir n’étaient pas simplement une partie mobile de la population du village sédentaire voisin. Même si les décalages entre les rythmes d’activité de subsistance sont importants, la coïncidence partielle des calendriers économiques considérés de façon globale exclut l’hypothèse que les deux sites étaient complémentaires ou que Qdeir 1 aurait été un campement satellite d’El Kowm 2. Si une stricte contemporanéité était avérée, des relations se seraient fort probablement établies entre ces communautés, distantes d’à peine une dizaine de kilomètres. De quelle nature auraient-elles été dans ce cas ? J. Cauvin (1990a) rappelait que l’oasis d’El Kowm, jusqu’au début du XXe siècle, avait connu des situations de conflits avec les nomades, ceux-ci ayant chassé plusieurs fois les villageois sédentaires. En l’état actuel des études, nous ne pouvons émettre aucune hypothèse à ce sujet. Les résultats disponibles soulignent simplement la coexistence, au PPNB final, de deux stratégies générales d’adaptation fondées sur l’exploitation des ressources domestiques mais avec des priorités différentes qui impliquent des modes d’implantation divergents.