I - Archéologie traditionnelle ou « New Archaeology »

Les sciences naturelles, physiques, chimiques, ont permis l’apparition du courant de pensée appelé la «  New Archaeology » qui, dans les années 1960 et 1970, a essayé de transformer l’archéologie en une science globale du passé, selon le modèle des sciences dures, par opposition au statut des sciences historiques 24 . La «  Nouvelle Archéologie », née aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, veut rompre avec l’archéologie des types, des objets prestigieux, pour raisonner en termes de processus 25  : ses principaux promoteurs, L. et S. Binford ou D.L. Clarke et C. Renfrew, n’ont pas réussi à imposer totalement leurs conceptions, mais ont influencé l’archéologie « traditionnelle » qui exploite ou se base pour eux sur les concepts-clés de la subjectivité, l’accumulation, le qualitatif, l’histoire par exemple. Ils en ont repris d’autres déjà connus, qu’ils ont valorisés comme l’objectivité, la problématique, le quantitatif, la science. Ils ont développé parallèlement la formulation d’hypothèses, la construction de modèles explicatifs. L’archéologie a intégré ou renforcé ces nouveaux outils, tout en gardant ses caractères traditionnels tels que la subjectivité, l’empirisme, le qualitatif, l’histoire, qui conservent une place importante 26 .

L’archéologue étudie et mesure les caractéristiques physiques, chimiques, biologiques des sédiments fouillés et des objets repérés dans les strates, qu’il individualise en fonction de la méthode de traitement choisie. Il apporte des informations d’ordre chronologique, donne l’âge des éléments trouvés, analyse les évolutions d’ordre technologique et culturel ou bien de l’environnement naturel. C’est ce que l’on désigne sous le terme d’archéométrie, qui, basée sur les méthodes et les techniques scientifiques évoquées, utilise les résultats de ces disciplines. La notion de mesure des données est fondamentale.

La « New Archaeology » a donc accru la contribution des sciences exactes à l’archéologie, dont le travail est enrichi par de nouvelles questions. Son influence est assez récente en France. Les archéologues utilisent les techniques complexes de laboratoire. Nous allons présenter seulement les grands principes de quelques-unes d’entre elles 27 .

Les méthodes de datation sont le résultat d’un travail scientifique qui donne des éléments chronologiques portant sur des échelles très diverses selon leur nature. Bien entendu, elles ont toutes des limites et nécessitent beaucoup de précautions d’application. Cette archéologie de laboratoire a un double aspect : d’une part, l’acquisition des données, en construisant un échantillonnage et en mettant en oeuvre le processus d’analyse physique ou chimique ; et, d’autre part, le traitement et l’interprétation des données à étudier 28 .

  • L’archéomagnétisme sert à dater des fours, des éléments argileux cuits (brique, carreaux de sol, tuiles, autres céramiques). Le spécialiste mesure l’aimantation thermorémanente de l’argile, qui a conservé la direction du champ magnétique terrestre après la cuisson lors de son refroidissement. La datation se fait grâce à la connaissance des anciennes directions du champ magnétique terrestre, définies dans les espaces géographiques de référence.
  • La dendrochronologie s’applique aux vestiges de bois. Le principe en est simple : le dendrochronologue compte les anneaux de croissance annuels ou cernes du bois, dont la largeur varie en fonction des éléments météorologiques. Il établit sous forme de courbes des mesures-étalon selon les espèces et les régions, c’est-à-dire des séquences qui lui serviront d’élément de comparaison. Il compare la courbe obtenue de l’analyse du fragment de bois à dater, avec ces courbes de références 29 .
  • La datation par le radiocarbone concerne les matières carbonées (charbons de bois …) : les matières contiennent autant d’atomes de carbone 14 (C 14) que de carbone 12 (C 12). Lorsque la matière meurt, il n’y a plus d’échange entre les atomes C 14 et le gaz carbonique atmosphérique. La radioactivité du C 14 diminue. Les atomes C 14 ont une durée moyenne de vie limitée à 5730 ans, alors que les C 12 sont des atomes stables. Le spécialiste compte le nombre de C 14 qu’il compare au nombre de C 12, afin de connaître la période écoulée depuis la mort de la matière 30 .

Il existe, bien sûr, d’autres méthodes ou des champs d’applications scientifiques que nous n’allons pas développer. Mais cela suffit pour démontrer la part importante des sciences à l’archéologie.

Notes
24.

JOCKEY 1999, 14-15.

25.

COLLECTIF 1990 A, 37.

26.

JOCKEY 1999, 194-195.

27.

SCHNAPP 1980, 135-145 pour cette partie.

28.

SCHNAPP 1980, 141.

29.

GIOT 1984, 74 et 83.

30.

GIOT 1984, 94-97.