X - Analyse des programmes de 1963

Le B.O. n°22 du 30 mai 1963 publie les programmes 202 de la sixième à la troisième, des rectificatifs et les Instructions. Il reprend le texte du 2 juillet 1962. Les programmes des classes de seconde, première et terminale sont déterminés par l’arrêté du 9 juin 1959.

Niveau Place de l’archéologie
dans les textes officiels
Commentaires
6e - « Notions générales de chronologie ». « Préhistoire et histoire ».
- « Notions sommaires sur les transformations et progrès de l’humanité au cours des temps préhistoriques ».
- « Les grandes civilisations de l’Orient méditerranéen » : « les Egyptiens, les Mésopotamiens, les Hébreux, les peuples de la mer (Crétois et Phéniciens), les Perses ». « Ce que nous devons à ces civilisations ».
- « La Grèce » : « La Grèce archaïque d’après les fouilles ».
- « La Grèce du VIIIe au Ve s. » : « les cités grecques » (exemple : Athènes), « la religion grecque ».
- « La Grèce aux Ve et IVe s. : l’apogée de la civilisation grecque ».
- « La civilisation hellénistique ».
- « Ce que nous devons à la Grèce ancienne ».
- Voir programmes de 1937. Le contenu est désormais plus précis et fait référence aux divers sites et témoins archéologiques des transformations de l’homme : habitat, outil, cultures, objets, écriture.
- Ces chapitres sont des synthèses bâties autour des héritages des différentes civilisations. L’enseignant choisira des thèmes significatifs qui peuvent être abordés par des monuments, des sculptures, des objets de la vie quotidienne et artisanaux. Cela reprend l’essentiel des programmes de 1937 avec en plus, l’étude des peuples crétois et phénicien.
5e - « Les débuts de Rome (depuis sa naissance jusqu’à la fin de la royauté) ».
- « Le gouvernement, la société et la religion au IIIe s. ».
- « La conquête des pays méditerranéens et de la Gaule (IIIe au Ier s.) » : « ses conséquences matérielles, politiques.
- « La civilisation romaine sous le Haut-Empire ».
- « Les débuts du christianisme ».
- « Le Bas-Empire : la civilisation ».
- « Les Barbares et la fin de l’Empire ».
- « Ce que nous devons à Rome ».
- « Les Francs en Gaule ».
- « L’Empire et la civilisation de Byzance ».
- « L’Empire et la civilisation arabe ».
- « L’Empire et la civilisation carolingienne ».
- « Le système féodal, la société féodale, l’église dans le monde féodal ».
- « L’évolution de la civilisation médiévale » : « La vie économique ». « L’essor des villes ». « L’art roman et l’art gothique ».
- Voir programmes de 1925.
Cf. remarque sur le monde romain, programmes de 5e de 1957.













- Voir programmes de 1865.
- Voir programmes de 1941.



- Voir programmes de 1925 pour le Moyen Age.
4e - « L’héritage du Moyen Age ».

- « La Renaissance ».
- « Le mouvement intellectuel en Europe au XVIIe s. » : « les arts ».
- Voir programmes de 1925 pour le Moyen Age.
- Voir programmes de 1937.
3e - « La France de 1815 à 1870 » : « les progrès scientifiques et techniques ». - Voir programmes de 1902.
2de
- « Le progrès scientifique et technique » en Europe de 1815 à 1848. - Voir programmes de 1902.
1re
- « Les grands courants d’idées et le mouvement scientifique, technique dans le monde de 1848 à 1914 ». - Voir programmes de 1957.
Philo. - « Le monde occidental » : « Fondements et évolution de sa civilisation (la tradition gréco-romaine, la tradition chrétienne et médiévale […] la révolution industrielle ».
- Fondements des civilisations des mondes communiste européen (« tradition chrétienne et byzantine »), musulman, de l’océan Indien, de l’océan Pacifique et d’Afrique noire.
- Voir programmes de 1957.

Le découpage des programmes est modifié. Ceux de 3e s’arrêtent à 1870, au lieu de 1789. L’étude de l’histoire est parfois moins approfondie, car son enseignement couvre une période plus importante. Mais l’esprit de la réforme de 1957 demeure. Nous n’apporterons donc aucun nouveau commentaire aux programmes de 1963. Les Instructions de cette même année rappellent clairement « le souci d’initier les élèves à l’histoire des civilisations ». Elles affirment le sens de la continuité historique en privilégiant le temps long. Les élèves du premier cycle bénéficient d’un enseignement de la préhistoire au XXe s. Les enseignants doivent «  accorder une part aussi large que possible aux faits de civilisation ». Les textes officiels leur demandent d’être concrets et d’» évoquer les conditions de vie caractéristiques de l’époque ». En ce sens, l’archéologie est d’un grand recours. Les travaux sur la culture matérielle permettent de donner de nombreuses indications historiques.

Nous ne notons aucun changement pour la sixième. Le programme de cinquième intègre les chapitres du Moyen Age qui étaient étudiés en très grande partie en classe de quatrième dans le cadre de la réforme de 1957. L’art musulman n’est plus mentionné. Le contenu reste quasiment identique.

Si l’on se réfère aux textes officiels et à l’examen des manuels scolaires, la part des données archéologiques reste importante et majoritaire parmi les sources d’informations : en sixième, sur l’Orient, l’Egypte, la Mésopotamie, Crête la Phénicie, le Perses ; en cinquième, sur la civilisation romaine notamment, même si, dans ce dernier, le nombre de textes est plus important en proportion.

Soulignons d’abord la richesse des supports archéologiques visibles dans presque toutes les pages de leçons en général, pour faire découvrir les civilisations au programme de sixième : des photographies remarquables en noir et blanc et en couleur, de sites, statues, objets trouvés en fouilles, etc.

Mentionnons le nombre de documents de manuels complétés par un résumé sur le thème du système féodal. Le livre d’Armand Colin de 1964 203 présente trois textes porte sur des hommages et trois documents archéologiques, dont la photographie du donjon de Loudun, le plan du château de Chinon et un dessin de reconstitution d’un château féodal par Viollet-le-Duc. Le manuel de Chaulanges contient deux photographies du donjon de Chauvigny et une autre, remarquable, de la motte de Cours, près d’Arlanc. Il propose trois textes sur un hommage, la trêve de Dieu et le récit d’un siège d’un château fort 204 . Nous remarquons d’abord que les documents littéraires sont nettement plus nombreux par rapport aux éditions précédentes : aucun dans le manuel de Nathan de 1958 et un dans le Hachette de 1959 205 . Nous nous apercevons que les différentes champs historiques sont complémentaires aux sources : l’archéologie terrestre ou monumentale permet de comprendre l’évolution castrale. Les textes anciens servent à déterminer les relations entre les nobles ou le combat. Un troisième manuel consulté montre également cette différence. Mais, dans ce cas, l’auteur a mis des reproductions de miniatures à la place des textes 206 .

Nous remarquons le même phénomène didactique sur le thème de la maison romaine. Pour expliquer le logement des gens pauvres, l’éditeur a choisi une photographie d’une insula, complétée par un résumé. Pour montrer l’habitation des riches, il publie trois photographies des fouilles de Pompéi : l’atrium et deux mosaïques 207 . Tout cela est à mettre en relation avec l’étude des monuments romains de l’Empire, abordée essentiellement par des documents archéologiques également, des photographies de bâtiments et de sites à Rome et dans les diverses provinces.

Cette leçon sur la maison romaine est liée à l’urbanisme, qui peut être analysé de plusieurs manières : l’ouvrage scolaire présente deux textes de Suétone sur les grands travaux de Claude et un de Pline de Jeune sur l’aménagement d’un aqueduc en Bithynie, un autre de Stace sur une route romaine 208 .

Le professeur peut aussi préférer exploiter dans le même ouvrage les documents archéologiques tels que les vues de monuments, les dessins d’un mur romain et d’une route. Les champs de l’archéologie sont ici cumulés avec ceux de l’histoire textuelle. De même, pour traiter les débuts du christianisme, l’enseignant peut exploiter les cinq documents archéologies (vues d’église, de mosaïques et de sculpture) ou analyser avec ses élèves les cinq textes d’auteurs antiques 209 .

La lecture des programmes montre que les références à l’archéologie sont relativement importantes sur le thème de la maison romaine et que l’histoire enseignée intègre de nouveaux supports. Le législateur demande aux professeurs de traiter la maison au IIIe s. avant J.-C.. Pour cela, les trois manuels consultés proposent un dessin de la reconstitution ou un plan typique, un paragraphe d’une quinzaine de lignes sur la forme, les matériaux, le confort du logement selon la richesse de la population (hutte, etc.).

Les manuels livrent des sources et des informations archéologiques très intéressantes pour l’élève, que l’on ne trouve pas dans les manuels précédents. Le croquis du mur romain complété par des explications détaillées, une vue d’un fond de cabane découvert sur le mont Palatin à Rome en 1948, les photographies aériennes du cadastre de Carthage ou de la centuriation de Timgad représentent des données uniques en histoire 210 . Les archéologues contribuent à l’histoire grâce à l’analyse des différents habitats au IIIe s. av. J.-C. : le logement du prolétaire : un petit appartement sans cheminée, sans égout, sans eau, un mobilier réduit et peu confortable. La villa du riche est marquée par une influence hellénistique (commentaire a priori nouveau), composée de cours et de jardin, avec des meubles en bois précieux, des statues, des fresques, des tapis.

Les auteurs de manuels de sixième rédigent, en général dans le chapitre introductif, une partie de deux à quatre pages sur le rôle et les sources de l’histoire, en insistant sur les documents non écrits 211 . Ils affirment que les connaissances des archéologues sont indispensables. Cet aspect tel qu’il est développé dans les manuels semble dater du début des années 1960 au plus tard. Les éditeurs faisaient auparavant allusion explicitement aux sources de l’histoire. Nous en avons dans un exemple dans le manuel de 1938, qui consacre une demi-page à cette question 212 .

Notes
202.

Arrêté du 7 mai 1963.

203.

REINHARD 1964, 170-172.

204.

CHAULANGES 1964, 202-206.

205.

PERSONNE 1958 et BONIFACIO 1959, 55.

206.

BONOFACIAO 1964, 167-168.

207.

CHAULANGES 1964, 63, 67 et 69.

208.

CHAULANGES 1964, 104-105.

209.

CHAULANGES 1964, 142-146.

210.

CHAULANGES 1964, 113 ; REINHARD 1964, 12, 53, 88.

211.

PRIGENT 1963, 12-15 ; PHILIPPE 1960, 9-11 ; REINHARD, 1965, 4-5 ; aucun renseignement in PERSONNE 1965.

212.

DEZ 1938, 8.